<283>de Hongrie, occasionna quelle fit filer un grand nombre de ses troupes en Bohême. L'on sait comme cette démarche donna lieu à des explications qui occasionnèrent la guerre.

Dès que je fus informé que les troupes autrichiennes remuaient dans toutes les provinces, j'envoyai ordre à Knyphausen de parler à M. Rouillé, pour l'avertir qu'un orage se formait en Allemagne, et que, s'il le voulait conjurer, il en était temps en faisant des remonstrationsa à la cour de Vienne, avec laquelle la France venait de conclure une alliance. M. Rouillé répondit sèchement que la France ne pouvait ni ne voulait se mêler de cette affaire. Après la réponse ambiguë et arrogante que le comte Kaunitz donna à Klinggraff, je me voyais forcé à la guerre. La reine de Hongrie l'avait résolue, et si j'avais attendu plus longtemps, ce n'aurait été que donner le temps à mon ennemi pour s'arranger entièrement. Il fallait prévenir pour n'être point prévenu. Si j'attaquais la reine de Hongrie du côté de la Silésie, je sentais l'impossibilité dans laquelle j'étais de lui faire grand mal, et je donnais au roi de Pologne, électeur de Saxe, mon voisin le plus dangereux, le temps de mettre, moyennant des subsides, une armée de quarante mille hommes sur pied. D'ailleurs, s'il y avait moyen de réussir en Bohème, c'était du côté de la Saxe, où l'Elbe et la connexion avec la Marche fournit le moyen de se soutenir.

Voilà au vrai les raisons qui m'ont porté à choisir le parti que j'ai pris, préférablement à d'autres. Comment pouvais-je deviner que la France enverrait cent cinquante mille hommes dans l'Empire? comment pouvais-je deviner que cet Empire se déclarerait, que la Suède se mêlerait de cette guerre, que la France payerait des subsides à la Russie, que les Anglais ne soutiendraient pas le pays de Hanovre, malgré les garanties qu'ils en ont données, que les Hollandais se laisseraient tranquillement enfermer par les Français et les Autrichiens, que le Danemark laisserait agir les Russes et les Suédois sans en prendre de l'ombrage, en un mot, que les Anglais m'abandonneraient? Les politiques ne peuvent point lire dans l'avenir; ce que le vulgaire nomme hasard, et ce que les philosophes appellent causes secondes,


a Mot formé par le Roi, pour remontrances.