<11>pour couvrir l'autre côté de l'Oder, de Cosel à Brieg. Ces deux détachements sont indispensables; ils couvrent le flanc gauche de la Basse-Silésie contre les incursions des Hongrois, qui feraient bientôt sistera le train de vos convois et les arrangements qu'on est obligé de prendre pour ses vivres sur ses derrières. Ces deux corps sont d'autant moins aventurés, que Neisse peut servir de retraite à l'un, et Cosel et Brieg à l'autre.

Il est difficile de déterminer la nature des opérations que l'on formera en Bohême, sans avoir premièrement établi le cas de la question. Mon expérience m'a fait voir que ce pays est facile à conquérir, mais difficile à conserver. Ceux qui voudront subjuguer ce royaume se tromperont dans leurs entreprises toutes les fois qu'ils y porteront la guerre; pour prendre la Bohême, il faut attaquer l'Autriche par le Danube et par la Moravie; alors ce grand royaume tombe de lui-même, et on n'a qu'à y envoyer des garnisons.

Si nous faisons seuls la guerre à la reine de Hongrie, nos campagnes seront des défensives revêtues et masquées de tous les attributs d'une guerre offensive. Voici sur quoi j'appuie mon opinion. La Bohême n'a ni villes tenables, ni rivières navigables, ce qui nous oblige à tirer tous nos convois de la Silésie; une chaîne de montagnes que la nature a faite pour la chicane sépare ces deux États. Battez l'ennemi, prenez-lui des villes, vous n'avez rien gagné; car ces villes ne sont pas tenables, vous n'osez pas y hasarder vos magasins, et si vous vous enfoncez dans le pays ennemi, ces montagnes vous resserrent la gorge pour les vivres, l'ennemi vous coupe de vos derrières, et vous risquez de voir périr votre armée par la famine. Comment passer l'hiver dans un pays pareil? Comment assurer vos quartiers? Comment donner du repos aux troupes et les refaire de leurs fatigues? Peut-être dira-t-on : N'avons-nous pas passé l'hiver de 41 à 42 en Bohême?b J'en conviens; mais nous n'étions pas seuls; les Français occupaient les Autrichiens, de façon qu'ils ne pouvaient pas penser à nous.


a Ce mot, créé par Frédéric, signifie arrêter. La traduction officielle et inédite de ce chapitre porte : hemmen.

b Voyez t. II, p. 102, 121 et suivantes.