<116>L'ennemi ne peut guère m'empêcher de faire ces mouvements, vu qu'il est gêné par ses chevaux de frise, et qu'il ne saurait faire dans un moment un quart de conversion avec une armée, sans compter que le terrain nous peut fournir des parties avantageuses dont on peut profiter pour gêner davantage l'ennemi et l'obliger de ne point bouger de sa situation. On doit avoir la plus grande attention à imprimer aux officiers qui attaquent cette redoute mouvante de ne se point abandonner à une ardeur démesurée, de rester serrés et en ordre, à cause de la cavalerie ennemie toujours prête à profiter du moindre faux mouvement qu'elle pourrait faire. On doit surtout se garder de donner le flanc et de tirer par bataillon; on ne doit employer que le feu de peloton, et, pour l'attaque de ces redoutes, ce doit être un coup de main, la baïonnette au bout du fusil, mais surtout ne point se débander après les avoir chassés, faire tirer beaucoup de canon sur la cavalerie ennemie pour l'éloigner, et, quand on voit que cela réussit, il faut que les bataillons de la seconde ligne forment les premiers la colonne, que, en attendant, la cavalerie approche de la première ligne, et celle-là ne doit former ses colonnes que lorsque la cavalerie est immédiatement derrière elle. C'est alors que la cavalerie doit attaquer avec furie, surtout que les régiments de la gauche doivent prendre garde de n'être point pris en flanc par les régiments ennemis qui se trouvent le plus près du corps de bataille. Voilà, je crois, ce que l'on peut imaginer de mieux. Cependant je ne disconviens point que la besogne ne soit difficile; mais je n'imagine rien de mieux ni de plus sûr que ce que je propose, et je ne puis entamer une armée arrangée de cette manière qu'en attaquant une des extrémités de sa ligne, en employant mon infanterie toujours soutenue de cavalerie, et le plus d'artillerie que le terrain et les circonstances permettent d'y mettre en œuvre. Je ne disconviens pas que l'ennemi, voyant mon attaque décidée, ne fera des efforts pour allonger le flanc de sa bataille; cependant, pour l'empêcher que de l'aile de son corps de bataille il ne dirige son artillerie sur mon attaque, il faut y opposer une espèce de batterie qui la tienne en respect, ou du moins qui l'empêche de diriger son feu vers mon attaque. Selon moi, l'art de la guerre est de déranger les dispositions de l'ennemi par des di-