<129>DES RUSES DE GUERRE.

Il est tant de différentes espèces de ruses, qu'il serait bien difficile de les rapporter toutes; il en est pour les guerres de siéges, pour les guerres de campagne, pour les surprises, et encore pour les dispositions de combats. Les ruses de guerre s'emploient pour tromper l'ennemi et pour lui cacher vos desseins. Dans les guerres de siéges, ces ruses ont deux fins, l'une de détourner l'ennemi d'une place que l'on veut assiéger, l'autre d'affaiblir la garnison de cette place. Pour cet effet, on forme des magasins à deux différents endroits. (NB. Cette ruse est trop coûteuse pour être pratiquée souvent et par tout le monde.) On assemble l'armée dans un endroit éloigné de la place que l'on veut véritablement assiéger; on fait mine d'en vouloir faire investir une autre, ce qui produit pour l'ordinaire que l'ennemi tire des troupes des places éloignées, pour renforcer la garnison de celle qui est menacée; alors, par des détachements et des contre-marches, on tourne brusquement vers la place qu'on avait résolu d'assiéger, dont la garnison se trouve affaiblie par le détachement qu'elle a fait. Les ruses que l'on emploie pour la guerre de campagne sont infinies; les unes sont en discours que l'on public de desseins auxquels on ne pense pas, pour cacher ceux que l'on médite; les autres consistent dans des mouvements d'armée concertés, où l'on fait marcher un corps d'un côté et où l'on fait toutes les dispositions pour le suivre, sur quoi on marche de l'autre, et cette fausse avant-garde devient ensuite votre arrière-garde. Dans une guerre absolument offensive, on fait mine de vouloir pénétrer par trois endroits différents dans le pays ennemi, pour cacher l'endroit par lequel on a dessein d'y entrer, afin d'y trouver moins de résistance. Les passages de rivières exigent beaucoup de ces sortes de ruses, et le plus fin l'emporte; il s'agit alors de même de cacher à l'ennemi l'endroit où l'on a intention de passer cette rivière, pour trouver moins de résistance à ce passage et avoir le temps de le faire avec l'armée avant que l'ennemi en soit averti. Laisser une ligne dans son camp et marcher la nuit avec