<155>assez fort pour leur tenir tête, et d'employer la vigueur contre celui que sa faiblesse oblige de céder.
Je ne vous rappelle pas non plus la méthode dont je me suis servi pour me soutenir contre ce colosse, qui menaçait de m'accabler. Cette méthode, qui ne s'est trouvée bonne que par les fautes de mes ennemis, par leur lenteur qui a secondé mon activité, par leur indolence à ne jamais profiter de l'occasion, ne doit point se proposer pour modèle.
La loi impérieuse de la nécessité m'a obligé à donner beaucoup au hasard. La conduite d'un pilote qui se livre aux caprices du vent plus qu'à la direction de sa boussole ne peut jamais servir de règle.
Il est question de se faire une juste idée du système que les Autrichiens suivent dans cette guerre. Je m'attache à eux comme à ceux de nos ennemis qui ont mis le plus d'art et de perfection dans ce métier. Je passe sous silence les Français, quoiqu'ils soient avisés et entendus, parce que leur inconséquence et leur esprit de légèreté renverse d'un jour à l'autre ce que leur habileté leur pouvait procurer d'avantages. Pour les Russes, aussi féroces qu'ineptes, ils ne méritent pas qu'on les nomme.
Les changements principaux que je remarque dans la conduite des généraux autrichiens pendant cette guerre consistent dans leurs campements, dans leurs marches, et dans cette prodigieuse artillerie qui, exécutée seule, sans être soutenue de troupes, serait presque suffisante pour repousser, détruire et abîmer un corps qui se présenterait pour l'attaquer. Ne pensez pas que j'ignore les bons camps que les habiles généraux ont choisis et occupés autrefois. Ceux de Fribourg et de Nordlingue appartiennent à M. de Mercy. Le prince Eugène en prit un, non loin de Mantoue, qui lui servit à arrêter les progrès des Français durant toute cette campagne. Le prince de Bade rendit le camp de Heilbronn fameux. En Flandre, on connaît celui de Sierck et tant d'autres qu'il serait superflu de citer.
En quoi les Autrichiens modernes se distinguent particulièrement, c'est de choisir constamment des terrains avantageux pour l'assiette de leur position, et de profiter mieux que l'on ne faisait autrefois des difficultés des lieux, auxquelles ils assujettissent