<156>l'arrangement qu'ils donnent à leurs troupes. Que l'on examine si jamais généraux ont eu l'art de former des ordonnances aussi formidables que celles que nous avons vues dans les armées autrichiennes. Quand a-t-on vu quatre cents canons rangés sur des hauteurs en amphithéâtre et distribués en différentes batteries, de sorte que, ayant la faculté d'atteindre de loin, ils ne perdent pas l'avantage principal et plus meurtrier du feu rasant?
Si un camp autrichien vous présente un front redoutable, ce n'est cependant pas où se borne sa défense; sa profondeur et ses lignes multipliées contiennent dans leur enfoncement de vraies embuscades, c'est-à-dire de nouvelles chicanes, des lieux propres à surprendre des troupes dérangées par les charges qu'elles ont été obligées de faire avant d'y parvenir. Ces lieux sont préparés d'avance, et occupés par les corps destinés à cet usage. Il faut avouer que la grande supériorité de leurs armées permet aux généraux qui les commandent de se mettre sur plusieurs lignes sans craindre d'être débordés, et que, ayant un monde superflu, cette multitude de troupes leur procure la faculté de remplir tous les terrains qu'ils jugent convenables pour rendre leur position plus formidable.
Si nous descendons ensuite dans un plus grand détail, vous trouverez que les principes sur lesquels les généraux autrichiens font la guerre sont une suite d'une longue méditation, beaucoup d'art dans leur tactique, une circonspection extrême dans le choix de leurs camps, une grande connaissance du terrain, des dispositions soutenues, et une sagesse à ne rien entreprendre qu'avec une certitude aussi grande de réussir que la guerre permet de l'avoir. Ne jamais se laisser forcer à se battre malgré soi, voilà la première maxime de tout général, et dont leur système est une suite; de là la recherche des camps forts, des hauteurs, des montagnes. Les Autrichiens n'ont rien qui leur soit particulier dans le choix des postes, sinon qu'on ne les trouve presque jamais dans une mauvaise situation, et qu'ils ont une attention essentielle à se placer sans cesse dans des terrains inattaquables. Leurs flancs sont constamment appuyés à des ravins, des précipices, des marais, des rivières ou des villes. Mais où ils se distinguent le plus des anciens, c'est dans l'ordonnance qu'ils donnent