<160>la sagesse exige que l'on prenne un point fixe de l'armée de l'ennemi, savoir, la droite, la gauche, le flanc, etc., et qu'on se le propose pour faire faire un plus puissant effort de ce côté-là; que l'on forme plusieurs lignes pour se soutenir, étant probable que vos premières troupes seront repoussées. Je déconseille les attaques générales, parce qu'elles sont trop risqueuses, et que, en n'engageant qu'une aile ou une section de l'armée, en cas de malheur, vous gardez le gros pour couvrir votre retraite, et vous ne pouvez jamais être totalement battu.

Considérez encore que, en ne vous attachant qu'à une partie de l'armée de l'ennemi, vous ne pouvez jamais perdre autant de monde qu'en rendant l'affaire générale, et que si vous réussissez, vous pouvez détruire également votre ennemi, s'il ne se trouve pas avoir un défilé trop près du champ de bataille, où quelque corps de son armée puisse protéger sa retraite.

Il me paraît encore que vous pouvez employer la partie de vos troupes que vous refusez à l'ennemi à en faire ostentation, en la montrant sans cesse vis-à-vis de lui, dans un terrain qu'il n'osera quitter pour fortifier celui où vous faites votre effort; ce qui est lui rendre inutile pendant le combat cette partie de l'armée que vous contenez en respect.

Si vous avez des troupes suffisantes, il arrivera peut-être que l'ennemi s'affaiblira d'un côté pour accourir au secours d'un autre; voilà de quoi vous pourrez profiter encore, si vous vous apercevez à temps de ses mouvements.

D'ailleurs, il faut imiter sans doute ce qu'on trouve de bon dans la méthode des ennemis. Les Romains, en s'appropriant les armes avantageuses des nations contre lesquelles ils avaient combattu, rendirent leurs troupes invincibles. On doit certainement adopter la façon de se camper des Autrichiens, se contenter en tout cas d'un front plus étroit pour gagner sur la profondeur, et prendre un grand soin de bien placer et d'assurer ses ailes.

Il faut se conformer au système des nombreuses artilleries, quelque embarrassant qu'il soit. J'ai fait augmenter considérablement la nôtre, qui pourra subvenir au défaut de notre infanterie, dont l'étoffe ne peut qu'empirer, à mesure que la guerre