<163>J'ai hasardé quelques idées sur la manière d'engager avec eux des combats. Je dois y ajouter deux choses que je crois avoir omises, dont l'une est d'avoir un grand soin de bien appuyer le corps que vous menez attaquer l'ennemi, de crainte qu'il ne lui arrive, en chargeant, d'être pris lui-même en flanc au lieu d'y prendre celui qu'il assaillit; et l'autre consiste d'imprimer dans l'esprit des chefs des bataillons que, lorsqu'ils les mènent au combat, ils aient une attention particulière à ne leur point permettre de se débander, surtout lorsque, dans l'ardeur du succès, ils poussent devant eux des corps ennemis, et cela, par la raison que l'infanterie n'a de force que tant qu'elle est tassée et en ordre, et que, lorsqu'elle est séparée et presque éparpillée, un faible corps de cavalerie qui tombe sur elle dans ce moment de dérangement suffirait pour la détruire. Quelques précautions que prenne un général, il reste toujours beaucoup de hasards à courir dans l'attaque des postes difficiles et dans toutes les batailles.
La meilleure infanterie de l'univers peut être repoussée et mise en désordre dans les lieux où elle a à combattre le terrain, l'ennemi et le canon. La nôtre, énervée et même abâtardie, tant par ses pertes que par ses succès mêmes, demande d'être conduite avec ménagement aux entreprises difficiles; il faut se régler sur sa valeur intrinsèque, proportionner ses efforts à ses facultés, et ne point l'exposer inconsidérément à des épreuves de valeur qui demandent dans les périls éminents une patience et une fermeté inébranlables.
Le sort des États dépend des actions décisives; un emplacement bien pris, une colline bien défendue peut soutenir ou renverser un royaume; un seul faux mouvement peut tout perdre. Un général qui entend un ordre de travers, ou qui l'exécute mal, met votre entreprise dans un risque éminent. Il faut surtout bien instruire ceux qui commandent les ailes de l'infanterie, peser mûrement ce qu'il y a de mieux à faire; et autant qu'on est louable d'engager une affaire, si l'on y trouve ses avantages, autant faut-il l'éviter, si le risque que, l'on y court surpasse le bien que l'on en espère. Il y a plus d'un chemin à suivre, qui mènent