<37>montagnes que les convois ont à passer demandent qu'on couvre ces convois par des détachements, ou que vous y envoyiez des corps qui y campent et y restent jusqu'à ce qu'il vous soit venu assez de vivres pour subsister pendant quelques mois, et que vous soyez maître de quelque place dans le pays ennemi, où vous puissiez établir votre dépôt. Pendant que vous faites de ces sortes de détachements, il faut prendre des camps forts où vous puissiez attendre qu'ils vous aient rejoint.
Je ne compte point les avant-gardes au nombre des détachements, à cause qu'elles sont à portée de l'armée, et qu'on ne les aventure jamais trop en avant. Lorsqu'on est sur la défensive, on est souvent obligé de détacher. Ces détachements que j'avais en Haute-Silésie, se trouvant à portée des forteresses, y étaient en sûreté, comme je l'ai dit plus haut. Les officiers qui commandent des détachements doivent être fermes, hardis et prudents. Leur chef leur donne des instructions générales; mais il faut qu'ils sachent prendre conseil d'eux-mêmes, avancer sur l'ennemi ou se retirer, selon que les circonstances le demandent. Ils doivent toujours se retirer devant des forces supérieures, et profiter du nombre quand il est de leur côté. Souvent ils se retirent de nuit à l'approche de l'ennemi, et quand celui-là les croit en fuite, ils reviennent brusquement, le chargent et le mettent en déroute. Pour les troupes légères, ils ne doivent que les mépriser. Un officier qui commande un détachement commence à pourvoir à sa sûreté, et, dès que cela est fait, il forme des desseins sur l'ennemi; car, s'il veut dormir en repos, il ne faut pas qu'il y laisse dormir l'autre. En formant toujours des projets et en en exécutant un ou deux avec bonheur, il met son ennemi sur la défensive. Lorsque ces détachements sont voisins de l'armée, ils y tiennent par quelque ville ou quelque bois qui y communique.
La guerre défensive invite et conduit naturellement aux détachements. Les petits génies veulent tout conserver, les hommes sensés ne voient que l'objet principal; ils parent les grands coups, et souffrent un petit mal pour en éviter un de plus grande conséquence; qui conserve tout ne conserve rien.a La partie essentielle où il faut s'attacher, c'est à l'armée de l'ennemi; il faut de-
a Voyez ci-dessus, p. 18.