ARTICLE XII. DES TALENTS QU'IL FAUT A UN GÉNÉRAL.a
Un parfait capitaine est un être de raison; c'est la république platonicienne, c'est le centre de gravité des philosophes, c'est l'or potable des chimistes. La perfection est incompatible en tout genre avec l'humanité; mais le sentiment de notre imperfection ne doit pas nous empêcher de tracer de parfaits modèles, pour que ces âmes généreuses, animées d'un principe d'honneur et d'émulation, en approchent en partie, si elles ne peuvent pas l'imiter en entier.
Ce ne sont, après tout, que les grands exemples et les grands modèles qui forment les hommes; et si des héros comme Eugène, Condé, Turenne ou César attirent notre admiration, combien plus ne doit-on point être ému par un tableau qui nous représente leurs différentes perfections réunies ensemble! Combien de vertus contradictoires n'entrent pas dans la composition d'un général!
Je suppose, devant toutes choses, qu'il soit honnête homme et bon citoyen, qualités sans lesquelles l'habileté et l'art de la guerre sont plus pernicieux qu'utiles. On demande, de plus, qu'il soit dissimulé, paraissant naturel, doux et sévère, sans cesse défiant et toujours tranquille, ménager par humanité et quelquefois prodigue du sang de ses soldats, travaillant de la tète, agissant de sa personne, discret, profond, instruit de tout, n'oubliant pas une chose pour en faire une autre, et ne négligeant pas comme étant au-dessous de lui ces petits détails qui tiennent si fort aux grandes choses.
Je recommande toutes ces qualités, à cause de leur importance. En voici la raison. L'art de cacher sa pensée, ou la dissimulation, est indispensable à tout homme qui a de grandes affaires à conduire. Toute l'armée lit son sort sur son visage; elle examine les causes de sa bonne ou de sa méchante humeur, ses
a Cet article est omis dans la traduction.