<42>quiétudes et vos entreprises continuelles le réduisent à la défensive.
Si vous voulez gagner l'amitié du soldat, ne le fatiguez ni ne l'exposez sans qu'il voie que cela est nécessaire. Soyez leur père, et non pas leur bourreau. On ménage le soldat dans les siéges par les sapes, et dans les batailles en prenant les ennemis par leur faible, et en expédiant promptement. C'est pourquoi, plus les attaques sont vives, et moins elles coûtent; en abrégeant les batailles, vous ôtez au temps le moyen de vous emporter du monde, et le soldat ainsi conduit prend confiance au général, et s'expose gaîment aux dangers.
Le principal ouvrage du général, c'est le travail du cabinet, faire des projets, combiner des idées, réfléchir sur les avantages, choisir ses positions principales, prévoir les desseins des ennemis, les prévenir et les inquiéter sans cesse. Mais cela ne suffit pas; il faut encore qu'il soit actif, qu'il ordonne et qu'il exécute, qu'il voie toujours par lui-même. Il faut donc qu'il prenne ses camps, qu'il pose ses gardes, et qu'il se promène souvent à l'entour du camp pour se rendre les situations familières; car, s'il lui arrivait d'être attaqué à l'improviste, rien ne lui sera nouveau. Les situations se sont si bien imprimées dans son esprit, qu'il peut donner ses ordres de tous côtés, comme s'il était sur les lieux, et que rien ne peut arriver à quoi il n'ait pensé d'avance; ainsi ses dispositions seront toujours justes. Il faut donc raisonner en soi-même sur les positions de détail d'un camp et les revoir souvent, car quelquefois les bonnes idées ne viennent qu'après avoir réfléchi sur le même objet plusieurs fois. Soyez donc actif et infatigable, et défaites-vous de toute paresse de corps et d'esprit, sans quoi vous n'égalerez jamais les grands capitaines qui nous servent d'exemple.
Un ancien a dit que ce n'était pas être homme que de ne pas savoir se taire. L'indiscrétion, qui n'est qu'un défaut léger dans la société civile, devient un vice important dans un général, à cause que, s'il divulgue les plus beaux projets du monde qu'il a faits, l'ennemi les apprend, et les fait avorter avant leur naissance. La première précaution que l'on prend est de donner des chiffres à tous les généraux qui commandent des corps ou dans