<50>agresseurs et mouvoir contre eux tous les ressorts de la guerre, des plus petits jusqu'aux plus grands, et, dans leur déroute, tout paysan devient soldat et sert contre eux. C'est ce dont l'électeur Frédéric-Guillaume fit l'expérience après la bataille de Fehrbellin, où les paysans tuèrent plus de Suédois qu'il n'en était péri dans la bataille même, et c'est ce que j'ai vu après la bataille de Friedeberg, où les montagnards de la Silésie prirent quantité de fuyards de l'armée autrichienne prisonniers de guerre.a
Lorsque la guerre se fait dans un pays neutre, l'avantage paraît égal entre les deux partis; c'est à qui gagnera l'amitié et la confiance des habitants. On y tient une sévère discipline, on défend le pillage et la maraude, que l'on punit sévèrement, on prête aux ennemis les plus sinistres intentions. Si le pays est protestant, comme la Saxe, on joue le rôle de défenseur de la religion luthérienne, et on souffle le fanatisme au cœur du vulgaire, dont la simplicité est facilement abusée. Si le pays est catholique, on ne parle que de tolérance, on prêche la modération, et l'on rejette sur les prêtres l'aigreur qu'il y a entre les sectes chrétiennes, qui conviennent toutes des points essentiels des dogmes. Il faut que l'on règle les partis que l'on met en campagne sur la protection du pays : on peut tout hasarder chez soi; on va plus bride en main dans le pays neutre, à moins que l'on ne soit sûr du peuple, ou du moins du plus grand nombre.
Dans des pays tout à fait ennemis, comme la Bohême ou la Moravie, il ne faut jouer qu'à jeu sûr, ne point aventurer de partis, par les raisons que j'ai alléguées ci-dessus, et faire la guerre la plus serrée que l'on peut. Les troupes légères servent alors pour la plupart à couvrir les convois. Il ne faut point s'imaginer que l'on gagnera ces peuples; il n'y a que les hussites du cercle de Königingrätz dont on puisse tirer parti. Les seigneurs sont traîtres quand ils font les bien intentionnés pour nous; il en est de même des prêtres et des baillis, car leurs intérêts sont liés à ceux de la maison d'Autriche, et comme l'intérêt est presque universellement le grand mobile des actions humaines, il ne faut jamais se fier aux hommes, si leurs intérêts ne sont pas les mêmes
a Voyez t. III, p. 132 et 133.