<73>conséquent elles ne doivent être éloignées que de six cents pas les unes des autres. Notre infanterie défend un retranchement par des décharges de bataillons entiers; il faut que chaque homme soit pourvu de cent coups. On mêle le plus de canons que l'on peut entre les bataillons et dans la pointe des redoutes. De loin ils tirent à boulets, et de quatre cents pas à mitraille. Supposé que, malgré la bonté du retranchement et notre feu prodigieux, l'ennemi perce quelque part, alors la réserve d'infanterie avance sur lui et le rechasse; et, supposé que celle-là plie, c'est alors à la cavalerie à faire ses derniers efforts pour repousser l'ennemi.
5. POURQUOI LES RETRANCHEMENTS SOUVENT SONT FORCÉS.
La plupart des retranchements sont forcés, parce qu'ils ne sont pas faits selon les règles, que celui qui se défend est borné, que les troupes sont timides, et que celui qui attaque a ses mouvements libres et plus d'audace. De plus, l'exemple a fait voir que, dès qu'un retranchement est forcé dans un endroit, toute l'armée, découragée, l'abandonne. Je crois cependant que nos troupes auraient plus de résolution, et qu'on rechasserait l'ennemi autant de fois qu'il aurait percé; mais à quoi serviraient ces succès? Ces retranchements mêmes vous empêcheraient d'en profiter.
6. POURQUOI LES LIGNES NE VALENT RIEN.
S'il se trouve autant d'inconvénients à se retrancher, il en résulte naturellement que les lignes sont plus mauvaises encore. Cette mode est venue dans nos guerres modernes par le prince Louis de Bade; il en fit à Brühl, les Français en firent ensuite en Flandre, durant la guerre de succession. Je dis qu'elles ne valent rien, à cause qu'elles occupent plus de terrain qu'on n'a de troupes pour les garder; que, en formant plusieurs attaques, on est sûr de les forcer, et que par conséquent elles ne couvrent point le pays, et qu'elles ne sont bonnes qu'à faire perdre la réputation aux troupes que l'on y place.