IV. INSTRUCTION POUR LE PRINCE HENRI. CHARGÉ DU COMMANDEMENT DE L'ARMÉE EN SAXE.[Titelblatt]
<136><137>INSTRUCTION POUR LE PRINCE HENRI, CHARGÉ DU COMMANDEMENT DE L'ARMÉE EN SAXE. AU PRINCE HENRI.
(Breslau) ce 11 (mars 1758).
Mon cher frère,
Je vous envoie une grande Instruction pour l'armée que vous aurez à commander en Saxe.153-a Si tout ce qui est Français prend le chemin du Rhin, c'est-à-dire Soubisien et Clermontais,153-b vous pourriez peut-être, en retournant en Saxe, donner le réveil aux cercles et peut-être vous débarrasser d'eux avant le commencement de la campagne, ce qui serait un grand avantage. Je ne vous dis ceci que comme un concetti; vous n'avez qu'à examiner l'affaire, et vous la ferez, si vous la croyez faisable; sinon, vous ne l'entreprendrez pas. Je vous fais lever une compagnie de canonniers dont vous aurez besoin, et je joins à votre corps vingt gros canons de douze livres; cela fait un prodigieux effet. Si vous avez quelques affaires avec l'ennemi, il faut mettre ces canons en batterie et les faire agir tous vers l'aile que vous voulez attaquer, et vous en éprouverez sûrement l'avantage. Cela est un peu difficile à traîner, mais en revanche cela tire à cinq mille quatre cents pas, et la mitraillé à mille pas. Comme, par l'heureuse fuite des Français, Magdebourg est hors d'insulte, vous pouvez tirer <138>de là tout ce que vous croirez nécessaire pour vos opérations. Je pars dans quelques jours pour couvrir le siége de Schweidnitz, que l'on pourra difficilement commencer avant le 20. Mais il faut le couvrir primo, secundo pousser un corps dans le comté de Glatz. Adieu, mon cher frère; je vous embrasse, étant avec une parfaite considération,
Mon cher frère,
Votre fidèle frère et serviteur,
Federic.
INSTRUCTION.
Cette Instruction embrasse deux objets : 1o le maintien de l'ordre, de la discipline, du complet et bon état des troupes; 2o et les opérations militaires. Quant à ce qui regarde le premier article, ma volonté expresse est que vous mainteniez la discipline, surtout la subordination, avec toute la rigueur imaginable, et que, en cas que quelqu'un y contrevînt grièvement, après avoir fait tenir conseil de guerre, vous pouvez le faire périr de mort, s'il le mérite; ainsi des déserteurs, lorsqu'il y en a trop, vous devez faire des exemples, pour contenir ceux qui pourraient vouloir les imiter. Vous aurez soin que le soldat ne manque ni de pain ni de viande, et, dans de grandes fatigues, vous lui ferez fournir des vivres gratis. Vous tâcherez, par toutes sortes d'industries, de recruter votre corps; s'il fait des pertes, vous tâcherez, autant que l'occasion et les moyens le permettent, de le tenir complet. Vous empêcherez le pillage autant que possible, et punirez sévèrement les officiers qui ne l'ont pas empêché, surtout ceux qui s'oublient au point de faire eux-mêmes de pareilles bassesses. Voilà en gros pour la règle à observer.
Je passe à présent au second article, qui emporte un plus grand détail, et m'oblige par conséquent de vous exposer les pro<139>jets des ennemis, ensuite les miens, et d'entrer alors dans la discussion de ce qui regarde proprement les manœuvres de l'armée que je vous donne à commander.
Le projet des Autrichiens est d'agir avec leurs plus grandes forces contre la Silésie, tandis que l'armée de Clermont, moyennant un nouveau traité que ces gens voulaient faire avec le roi d'Angleterre, devait pénétrer dans le Magdebourg, ou marcher par Brème dans le Mecklenbourg et se joindre par ce pays aux Suédois. L'armée de Soubise devait faire à peu près la même manœuvre que vous lui avez vu faire l'année précédente, c'est-à-dire, pénétrer en Saxe du côté de la Thuringe pour gagner l'Elbe, pendant que les troupes des cercles et quelques mille Autrichiens devaient entrer en Saxe par Freyberg; et un détachement de Hongrois était destiné d'ailleurs pour infester la Lusace et faire de là des courses dans le Brandebourg. Or, de ce projet, tout ce qui regarde l'armée de Clermont est entièrement rompu; si, comme on peut l'espérer, l'armée de Soubise fuit en même temps, et que tout cela aille vers le Rhin, la Saxe ni le pays de Brandebourg n'auront rien à craindre de sitôt de la part des Français. L'armée que vous commandez ne trouvera donc probablement contre elle que les cercles, joints au corps de Marschall.
De ce côté-ci, les Autrichiens espèrent de persuader les Russes qu'ils envoient le corps de Schuwaloff à leur secours; ce corps a fait des magasins du côté de Grodno, et il ne peut arriver ici que vers la fin de juin. Cela m'oblige de frapper un grand coup sur les Autrichiens tandis que j'ai toutes mes forces ensemble, et avant que ce secours, s'il arrive, m'oblige de détacher. Voici donc mon projet de campagne : prendre Schweidnitz tranquillement, laisser un corps de quinze mille hommes pour couvrir les montagnes, ou, au cas que quelque corps voulût passer par la Lusace, mon détachement peut s'y opposer; ensuite porter la guerre en Moravie. Si je marche droit à Olmütz, l'ennemi viendra pour le défendre; alors nous aurons une bataille dans un terrain dont il n'a pas le choix. Si je le bats, comme il le faut espérer, j'assiége Olmütz; alors l'ennemi, obligé de couvrir <140>Vienne, attirera toutes ses forces de ce côté-là, et, Olmütz pris, votre armée sera destinée à prendre Prague et à tenir la Bohême en respect; après quoi, que les Russes ou qui que ce soit vienne, je serai en état de détacher tant qu'il le faudra.
Quant à ce qui regarde votre armée, le commencement de la campagne doit être une défensive; vous pourrez rassembler votre armée du côté de Dresde, où vous le voulez. Vous connaissez tous les camps que j'ai fait reconnaître là-bas, dont vous pourrez choisir celui qui vous conviendra le mieux. Comme il est nécessaire d'avoir de bonnes nouvelles, et qu'il ne faut rien épargner en espions, Borcke156-a a ordre de vous fournir tout l'argent dont vous aurez besoin.
Je défends expressément tout conseil de guerre pour vos opérations; je vous donne plein pouvoir d'agir comme vous le trouverez bon, de vous battre, de ne vous point battre, en un mot, de prendre en toutes les occasions le parti que vous croirez le plus avantageux et le plus conforme à l'honneur. La manière dont les Français viennent d'être chassés doit naturellement faire changer de mesure aux Autrichiens pour leur plan d'opérations. Comme il m'est impossible de le deviner à présent, je ne saurais vous rien dire, sinon que votre armée doit défendre la Saxe, empêcher l'ennemi d'y pénétrer avant, et se borner à cet objet jusqu'à ce que nous ayons pris Olmütz, où vous trouverez toutes les facilités pour agir. Vous ne négligerez aucune occasion pour nuire à l'ennemi; surtout il faut être attentif à rompre ses mesures d'avance, et ne lui point laisser tranquillement exécuter ses projets. Si cette armée est obligée de se retirer pour se joindre aux Autrichiens, vous aurez de belles occasions pour engager des affaires d'arrière-garde, peut-être aussi des batailles où vous ne risquez rien, si l'ennemi est obligé de gagner la Moravie. Vous aurez les généraux Itzenplitz et Hülsen dans l'infanterie, dont vous pouvez bien vous servir; dans la cavalerie, vous aurez Driesen, et j'en enverrai encore quelque bon, ensuite Kleist, de <141>Szekely, et Belling, qui a reçu vos hussards. Accoutumez les cavaliers à la guerre, et commandez toujours d'eux quelques détachements pour soutenir les hussards, mais sous leurs ordres, et non sous celui des officiers de cavalerie. Quant à vos magasins, je les ai placés à Torgau et Dresde, ce qui vous donne la commodité de l'Elbe, et vous met en état de vous tourner également vers Bautzen ou Freyberg, selon l'exigence du cas. Je vous recommande surtout, quoique vous ne deviez que défendre la Saxe, d'agir toujours offensivement; et, si vous croyez que l'ennemi peut vous forcer à vous battre, attaquez-le, mais ne vous laissez jamais attaquer par lui. S'il manque quelque chose d'ailleurs à cette armée, soit médecins, ou autres officiers de brigade, vous n'avez qu'à le mander promptement, pour qu'on y remédie à temps. Je vous recommande sur toute chose le soin des pauvres blessés et malades, pour qu'on ait pour eux toute l'attention que méritent des gens qui se sacrifient pour leur patrie.
Voilà à peu près tout ce que je puis vous dire; je ne saurais entrer dans le détail d'événements futurs. Vous savez en gros de quoi vous êtes chargé; pour le détail et l'exécution, je m'en remets entièrement à votre vigilance, sagesse, exactitude et attachement, étant,
Mon cher frère,
Votre fidèle frère et serviteur,
Federic.
NB. Vous pouvez tirer le général Finck158-a de Dresde, si vous le jugez à propos, et y nommer ad interim un autre commandant. Vous pourrez aussi, en cas de besoin, nommer un officier pour Torgau ou pour quelque autre ville que ce soit que vous trouverez à propos de garnir de troupes.
<142>DESIGNATION DER GENERALITÄT, WELCHE BEI DEM SÄCHSISCHEN CORPS D'ARMÉE STEHEN SOLL.
General-Lieutenant | von der Infanterie | Prinz Heinrich von Preussen,158-b |
von Itzenplitz, | ||
von Hülsen, | ||
von der Cavallerie | von Driesen, | |
General-Major | von der Infanterie | von Asseburg, |
von Grabow, | ||
von Finck, | ||
von Bredow, | ||
von Wietersheim, | ||
von Jungkenn, | ||
von Salmuth, | ||
von der Cavallerie | Baron von Schönaich, | |
von Meinike, | ||
von Zieten. |
153-a Voyez t. XXVI, p. 196, no 32.
153-b Voyez t. IV, p. 209 et 210.
156-a Frédéric-Guillaume de Borcke, ministre d'État et, pendant la guerre de sept ans, chef du directoire général de la guerre (General-Feld-Krieges-Directorium), à Torgau. Voyez t. XXVI, p. 204.
158-a Voyez t. IV, p. 154; t. XXVII. m, p. XIII, XIV, et 225-228.
158-b Voyez t. XXVI, p. XIV.