<75>pagne, abandonnerait bien vite la Flandre pour couvrir Paris, et que, en agissant avec vigueur contre cette armée, le ministère français se hâterait à conclure la paix. Supposé que l'on prît Paris, il faudrait bien se garder d'y faire entrer des troupes, parce quelles s'amolliraient et perdraient la discipline; il faudrait se contenter d'en tirer de grosses contributions. Pour que ce projet de campagne devînt solide, on aurait la prévoyance d'envoyer de bons officiers ingénieurs et quartiers-maîtres qui, voyageant déguisés en marchands, parcourraient tous ces lieux pour rectifier ce qu'il pourrait y avoir de défectueux dans le projet, tant pour le terrain que pour les places que l'on se propose de prendre, qu'également pour les ports, qui ne me sont point assez exactement connus.

Pour éviter les fautes où l'ignorance du pays m'a peut-être fait tomber, je vous esquisserai un projet de campagne pour un terrain qui m'est beaucoup mieux connu. Supposons qu'il s'élevât une guerre entre la Prusse et la maison d'Autriche. On sait que la maison d'Autriche peut mettre cent quatre-vingt mille hommes en campagne; supposons encore qu'elle se trouve dépourvue d'alliés et de secours étrangers. La Prusse peut former une armée de cent quatre-vingt mille hommes; la Russie y doit joindre trente mille hommes d'auxiliaires. Les régiments de garnison sont suffisants pour bien garnir les forteresses les plus exposées. Il est évident par cette esquisse que les Prussiens seront supérieurs de trente mille hommes à leurs ennemis. Alors s'élève la question : quel sera l'objet de cette guerre, et, comme il s'agit d'affaiblir la maison d'Autriche, quelle province sera-t-il plus avantageux de démembrer de sa monarchie? Il saute aux yeux que ce ne saurait être la Moravie, qui se trouve enclavée entre la principauté de Teschen, la Hongrie, l'Autriche et la Bohême, dont il serait impossible de soutenir la possession. Il n'en est pas de même de la Bohême, qui, une fois détachée de l'Autriche, pourrait, en y faisant quelques châteaux dans les montagnes qui vont verser en Autriche et sur les frontières de la Bavière, offrir une défense considérable à ceux qui voudraient y pénétrer. La connaissance que j'ai de ce royaume m'apprend qu'on ne le prendra jamais en y portant la guerre; en voici la raison. La Bohême