<76>est ceinte d'une chaîne de montagnes qu'il faut nécessairement passer, si l'on y veut pénétrer; il ne dépend donc que de l'ennemi de faire occuper par un gros détachement les gorges où vous avez passé, pour vous couper de vos vivres et de vos derrières. Mais, en supposant que l'ennemi ne s'avise point de prendre ce parti, vous vous engagez dans un pays hérissé de montagnes et de défilés, où l'ennemi peut vous arrêter d'un mille à un autre, où il est presque impossible qu'il se donne des batailles décisives, vu les montagnes et les bois qui couvrent les vaincus. Supposé même que, favorisés par une suite de succès, vous vous rendissiez maîtres de Prague, alors vous êtes dans l'embarras de vous affaiblir considérablement par la forte garnison que vous y laissez pour couvrir vos vivres, ou, y laissant peu de monde, d'exposer vos magasins à la merci de la première entreprise que fera l'ennemi pour surprendre cette capitale. Il faut donc recourir à d'autres moyens pour faciliter la conquête de ce royaume. Le plus sûr, quoique de difficile exécution, est de porter la guerre sur le Danube, afin d'obliger par là la cour de Vienne de retirer ses principales forces de la Bohème, et par là de donner la possibilité à l'armée qui doit y pénétrer d'exécuter le plan dont elle est chargée. C'est sur toutes ces réflexions que j'établis à présent mon projet de campagne.
La distribution de l'armée se doit faire de telle sorte, que cent dix mille Prussiens et trente mille Russes s'assemblent en Haute-Silésie, dont dix mille seront destinés à défendre Silberberg, la principauté de Glatz, ou de se porter vers Landeshut, au cas que l'ennemi voulût tenter quelque entreprise de ce côté. Trente mille hommes seront destinés à pénétrer par des partis dans la principauté de Teschen, et surtout pour assurer les convois de l'armée, dont le magasin doit être à Cosel. La grande armée s'avancera sur Neustadt, pour que l'ennemi, trompé par cette démonstration, se prépare à défendre les routes des montagnes qui de Jägerndorf et de Troppau vont en Moravie, ou de border la Mora, dont la rive escarpée est bordée de rochers. L'armée de Saxe, forte de soixante mille Prussiens, désarmera les Saxons, si cela est nécessaire, et établira son camp entre Gieshübel, Péterswalde, etc., sur les montagnes; elle fera la guerre de partis