<84>rempli de forteresses, et que, par les mouvements bien calculés qu'on exécute, on en menace plus d'une à la fois; mais dans l'Empire, par exemple, cette sorte de guerre ne saurait avoir lieu, et les jalousies que l'on peut donner aux ennemis se bornent à menacer ses dépôts de vivres ou bien à se mettre sur ses communications. Mais en menaçant les magasins et les communications de l'ennemi, il ne faut pas oublier de mettre les siennes en sûreté.
Pour ne vous point fatiguer par une suite de règles générales, je vais vous citer l'exemple d'un général habile qui changea la forme de la guerre qu'il faisait par sa sagacité et par son génie. Ce général, c'est M. de Luxembourg. Lisez sa campagne de l'année 1693; vous la trouverez dans l'Histoire militaire de Louis XIV. Le Roi avait résolu de faire la guerre offensive en Flandre; ensuite il changea de dessein, et détacha quarante mille hommes de ce corps qui, sous les ordres du grand Dauphin, devait marcher en Allemagne. Le prince d'Orange, qui commandait l'armée des alliés, était au camp de Parc, et paraissait fort embarrassé de soutenir à la fois Liége et Louvain, places que les Français menaçaient d'un siége. Incontinent après le départ de ces quarante mille hommes, M. de Luxembourg prit le camp de Melder, et, par cette position, il maintint le prince d'Orange dans ses inquiétudes. Ce prince envoya aussitôt douze mille hommes pour occuper le camp retranché sous Liége; bientôt M. de Luxembourg fit préparer vin train d'artillerie à Namur, qui était alors aux Français. Sur cette nouvelle, le prince d'Orange envoie un nouveau renfort de troupes au camp de Liége, et vient se camper auprès de la Gete, entre les villages de Landen et de Neerwinde. Ce n'en était pas assez pour M. de Luxembourg; il voulut que son ennemi s'affaiblît encore; il fit partir un gros détachement de son armée, sous prétexte de marcher vers les châtellenies de Courtrai; mais il avait donné des ordres secrets aux généraux de la façon dont ils devaient diriger leur marche. Dès que le prince d'Orange eut vent de ce détachement, il envoya le duc de Würtemberg avec un corps considérable pour s'opposer aux entreprises des Français; alors M. de Luxembourg se mit en marche; joint en chemin par son détachement, il battit le prince