<102>peu de jours. Si on avait dit que c'était la peste, toute communication aurait été interceptée, la livraison des magasins de même; et la crainte de cette maladie aurait été plus funeste pour l'ouverture de la campagne que tout ce que l'ennemi pouvait y opposer. On adoucit donc ce nom redoutable; on appela cette contagion une fièvre putride, et tout continua d'aller son train ordinaire : tant les mots qui désignent les choses font plus d'impression sur les hommes que les choses mêmes.
Peu après l'arrivée du Roi, la petite guerre recommença avec beaucoup de vivacité. Les ennemis se flattaient qu'en harcelant continuellement les Prussiens, ils les consumeraient à petit feu : à peu près dix à douze mille Hongrois, sous les ordres du vieux maréchal Esterhazy, des généraux Karoly, Festetics, Spleny, et Ghilany faisaient des incursions dans la Haute-Silésie, et pénétraient le plus avant qu'il leur était possible. Un major Schafstedt, qui était détaché avec deux cents hommes dans le petit bourg de Rosenberg, fut attaqué par eux. Les ennemis mirent d'abord le feu dans la ville : le major fit bonne contenance; mais environné de tous côtés, il ne put se sauver, et obtint une capitulation pour rejoindre son régiment à Kreuzbourg. Il fallait réparer cet affront, et rabattre la présomption de ces troupes hongroises nouvellement levées. Le Roi fit donc des détachements contre eux; il se livra de petites batailles qui servirent de prélude aux actions décisives : et comme cet ouvrage est destiné à servir de monument à la valeur et à la gloire des officiers qui ont si bien mérité de la patrie, nous nous croyons, par devoir, obligé d'informer la postérité de leurs belles actions, pour l'engager par ces exemples de magnanimité à imiter leur exemple.
Le rare mérite de M. de Winterfeldt le fit choisir pour présider à cette expédition. On lui donna six bataillons et douze cents hussards, avec lesquels il passa l'Oder à Cosel, tandis que M. de Goltz, avec un bataillon et cinq cents hussards, passait la même rivière à Oppeln, pour tomber de concert sur Esterhazy et ses Hongrois. Winterfeldt tomba sur le village de Schlawenziz, où il fit cent vingt prisonniers; il entendit un feu assez vif sur sa gauche, il s'y porta d'abord : c'étaient cinq mille Hongrois qui entouraient le détachement de Goltz; ils furent attaqués, et