<111>voler à l'ennemi, lorsqu'il paraîtrait dans la plaine : c'était ôter au hasard tout ce que la prudence lui pouvait dérober.

Le 2 de juin, les généraux autrichiens et saxons tinrent conseil de guerre auprès du gibet de Hohenfriedeberg. Quoiqu'ils eussent de cette hauteur l'inspection sur toute la plaine, ils n'aperçurent que de petits corps de l'armée prussienne : la partie la plus considérable était couverte par le Nonnenbusch, et par des ravins, derrière lesquels on s'était placé exprès pour tenir l'ennemi dans l'ignorance des forces prussiennes, et pour le confirmer dans l'opinion où il était d'entrer dans un pays où il ne trouverait aucune résistance. Le prince de Lorraine choisit le village de Langenöls pour s'y camper le lendemain. Wenzel Wallis eut ordre de s'emparer en même temps du magasin de Schweidnitz avec son avant-garde, et de là il devait poursuivre les Prussiens à Breslau. Le duc de Weissenfels, avec ses Saxons, devait prendre Striegau, et de là se porter sur Glogau, pour y mettre le siège. Le prince de Lorraine avait oublié dans son projet qu'il aurait à combattre une armée de soixante-dix mille hommes, bien résolus à ne lui pas abandonner un pouce de terrain sans l'avoir défendu jusqu'à l'extrémité. Ainsi les desseins des Autrichiens et des Prussiens se croisaient, comme des vents contraires qui assemblent des nuages dont le choc produit la foudre et le tonnerre.

Le Roi visitait tous les jours ses postes avancés. Il était le 3 sur une hauteur,a devant le camp de Du Moulin, d'où on découvrait toute la campagne, les hauteurs de Fürstenstein et même un bout du camp autrichien près de Reichenau : le Roi s'y était arrêté assez longtemps, lorsqu'il aperçut une nuée de poussière qui s'élevait dans les montagnes, qui avançait et descendait dans la plaine, et qui allait en serpentant de Kauder à Rohnstock; la poussière tomba ensuite, et l'on aperçut distinctement l'armée des Autrichiens, qui était débouchée des montagnes sur huit grandes colonnes : leur droite s'appuyait au ruisseau de Striegau, et tirait de là vers Rohnstock et Hausdorf; les Saxons, qui faisaient la gauche, s'étendaient jusqu'à Pilgramshayn. M. Du Moulin reçut


a C'est le Stanowitzer Fuchsberg, situé entre Stanowitz, Oelse et Striegau, et appelé notre observatoire par le général de Stille dans Les Campagnes du Roi, p. 199.