<123>Peut-être le premier projet dont nous avons parlé aurait-il été meilleur que celui qu'on exécuta. On a su depuis, que le duc de Weissenfels n'aurait pas suivi le duc de Lorraine sur les frontières de la Moravie. De Reichenau à Glatz il n'y a que cinq milles, au lieu qu'il y en avait dix de Chlum à Schweidnitz, ce qui rendait le transport des vivres plus laborieux et plus difficile; mais les hommes font des fautes, et celui qui en fait le moins, a des avantages sur ceux qui en font plus que lui.

Tout le temps que l'armée séjourna à Chlum, ce ne fut que fourrages de la part des deux armées, et des partis de part et d'autre pour les empêcher. De tous les officiers autrichiens il n'y eut que le seul colonel Dessewffy qui se signalât à la petite guerre : il fit quelques prises, que M. de Fouqué vengea par les partis qu'il envoyait de Glatz sur les derrières de l'armée autrichienne, et qui les désolaient par de fréquentes prises qu'ils faisaient sur eux.

Il y avait un poste détaché à Smirschitz, qui mit un nouveau stratagème en usage pour intimider les Hongrois qui venaient souvent tirer sur une redoute et sur une sentinelle placée proche du pont de l'Elbe; c'est une plaisanterie qui délassera le lecteur de la gravité des matières qu'il a sous les yeux. Quelques sentinelles ayant été blessées par des pandours, les grenadiers de Kalckstein s'avisèrent de faire un mannequin, de l'habiller en grenadier, et de le placer à l'endroit où était la sentinelle; ils remuaient cette poupée par le moyen de cordes, de sorte qu'à une certaine distance on la prenait pour un homme; ils s'embusquèrent en même temps dans des broussailles voisines. Les pandours arrivent, et tirent; le mannequin tombe, les voilà qui veulent se jeter dessus; en même temps part un feu très-vif des broussailles, les grenadiers se jettent sur eux, et font prisonniers tous ceux qu'ils avaient blessés : depuis ce temps-là ce poste fut tranquille.

Mais revenons à des objets plus importants. Depuis la bataille de Friedeberg, le prince de Lorraine n'avait cessé d'importuner la cour pour qu'elle le renforçât. On lui envoya alors huit régiments, tirés en partie de la Bavière, de l'armée du Rhin, et de la garnison de Fribourg, dont l'échange venait de se faire avec les