<15>portaient tous des rubans verts sur leurs chapeaux, on attacha une branche de laurier à celui du Roi, qui la porta sans scrupule : ce sont des misères, mais elles peignent les hommes.

Cette victoire ne fit pas autant de plaisir au roi de Prusse qu'en avait ressenti le roi d'Angleterre. Il était à craindre que le ministère français, peu ferme, et découragé par une suite de revers, ne sacrifiât la gloire de Louis XV et les intérêts de l'Empereur, pour se tirer des embarras renaissants qui l'environnaient. Pour éclairer les démarches des alliés, le Roi fit partir le jeune comte Finck,a sous prétexte de féliciter le roi d'Angleterre sur sa victoire, mais réellement pour veiller à la conduite du lord Carteret, et pour découvrir les négociations qui pourraient s'entamer dans ce camp. Le prince de Hesse, Guillaume, frère du roi de Suède, était très-bien intentionné pour les intérêts de l'Empereur : on se servit de son canal pour faire parvenir au lord Carteret quelques propositions d'accommodement pour concilier la Bavière et l'Autriche; mais cet Anglais n'était pas assez fin pour dissimuler le fond de ses pensées, et l'on s'aperçut qu'il ne voulait point d'accommodement; que son maître voulait la guerre, la reine de Hongrie, le trône impérial pour son époux; et que les uns et les autres désiraient également la ruine du Bavarois. Le roi d'Angleterre trahit bientôt le caractère de protecteur de l'Empire qu'il avait pris : un rôle d'emprunt est difficile à soutenir, on n'est jamais bien que soi-même. Il refusa avec fierté les dédommagements que divers souverains lui demandaient pour le dégât que ses troupes avaient commis dans leur pays, et refusa de même le payement des denrées et des fourrages que ces princes lui avaient livrés. Le Roi se servit d'une expression singulière, dans une pièce qu'il fit imprimer pour éluder ces bonifications; il y dit : " que c'est le moins que les princes de l'Empire puissent faire, que de défrayer l'armée de leur libérateur et de leur sau-


a Charles-Guillaume comte Finck de Finckenstein, né le 11 février 1714, ami de jeunesse du Roi, revint précisément alors de Copenhague, où il avait rempli les fonctions de ministre plénipotentiaire. En 1744, il accompagna la princesse Ulrique en Suède, où il resta jusqu'à l'année 1746 en qualité d'envoyé extraordinaire. Le 25 février 1747, il fut élevé au rang de ministre d'État, et de ministre plénipotentiaire à la cour impériale de Saint-Pétersbourg. Enfin, le 4 juin 1749, le Roi le nomma second ministre de Cabinet.