<151>Roi, au nom de l'Impératrice, qu'elle espérait que le Roi s'abstiendrait d'attaquer l'électorat de Saxe, parce qu'une telle démarche l'obligerait à envoyer son contingent au roi de Pologne, comme elle y était tenue par son alliance avec ce prince. Le Roi lui fit répondre que Sa Majesté était intentionnée de vivre en paix avec tous ses voisins; mais que si quelqu'un d'eux couvait quelque dessein pernicieux contre ses États, aucune puissance de l'Europe ne l'empêcherait de se défendre et de confondre ses ennemis.

Cependant toutes les lettres de la Saxe et de la Silésie confirmaient les avis de M. de Rudenskjöld. Pour être encore mieux informé des mouvements du prince de Lorraine, le Roi forma un corps de troupes mêlées, cavalerie, infanterie et hussards, avec lequel M. de Winterfeldt s'avança vers Friedland sur les frontières de la Bohême et de la Lusace, avec ordre que si le prince de Lorraine entrait en Lusace, il devait le côtoyer, et longer le Queis, qui coule sur la frontière de la Silésie. Le dessein du Roi était de tomber sur les Saxons de deux côtés à la fois, savoir : le prince d'Anhalt, sur Leipzig, Wurzen et Torgau; l'armée de Silésie devait agir contre celle du prince de Lorraine, la surprendre, s'il se pouvait, dans ses cantonnements en Lusace, ou la combattre pour la rechasser en Bohême.

Dans ce danger qui mettait toute la ville de Berlin en alarme, le Roi affecta la meilleure contenance possible, pour rassurer le public. Son parti était pris; la déclaration des Russes ne l'inquiétait point, car cette puissance ne pouvait agir que dans six mois, et c'était plus de temps qu'il n'en fallait pour décider du sort des Prussiens et des Saxons : les choses en étaient à cette extrémité, qu'il fallait vaincre ou périr. Le Roi appréhendait l'incrédulité et la lenteur du prince d'Anhalt; il craignait aussi que le corps de Grünne, qui était effectif de sept mille hommes, ne marchât tout droit à Berlin. Pour pourvoir autant qu'il était possible à la sûreté de cette capitale, le général Hacke y était resté avec une garnison de cinq mille hommes; mais comme l'enceinte a deux milles de circonférence et qu'il était impossible de la défendre, M. de Hacke devait aller au-devant de l'ennemi et le combattre, avant qu'il approchât de la ville. Cette précaution était à la vérité insuffisante; mais les moyens ne permettaient pas d'en entreprendre de