<154>Bientôt, sur ces nouvelles qu'on eut de l'ennemi, l'armée s'avança en cantonnant sur la Wüthende Neisse.c Le Roi prit son quartier à Hohlstein; c'était le 22 de novembre, et il n'était qu'à un mille de Naumbourg. On fit construire quatre ponts sur la rivière, pour pouvoir la passer rapidement sur quatre colonnes. Le dessein du Roi était de se laisser dépasser par les Impériaux, puis de leur venir à dos, pour les couper de leurs vivres, et les forcer ainsi, ou bien à se battre, ou bien à s'enfuir honteusement vers les frontières de la Bohême. Mais pour suivre le projet qu'on avait une fois adopté, on s'était interdit d'envoyer des partis en Lusace, et l'on ne pouvait avoir des nouvelles que par des espions, qui ne sont jamais aussi sûres que celles que rapportent les troupes; de plus l'expédition était si importante, qu'il fallait préférer le plus sûr au plus brillant.

M. de Winterfeldt qui était instruit des projets que le Roi avait formés, l'informa que les ennemis avançaient par cantonnements, mais qu'ils s'étendaient si fort, que leur gauche était à Lauban et leur droite à Görlitz; il ajouta qu'ils marcheraient le lendemain, selon l'avis de ses espions, et qu'il croyait que le moment d'agir était arrivé. Sur cela, l'armée marcha le 23 sur quatre colonnes; chaque colonne était conduite par un lieutenant-général. Le rendez-vous de ces colonnes était à Naumbourg; ce fut là que le Roi leur donna les dispositions ultérieures. Il s'éleva ce matin un brouillard d'autant plus favorable, qu'il cachait à l'ennemi jusqu'au moindre mouvement de l'armée. A Naumbourg, il y a un pont de pierre sur le Queis; à côté, il y avait deux gués pour la cavalerie : on fit en hâte un pont pour la seconde colonne d'infanterie. Tout cela étant arrangé, les conducteurs des colonnes, je veux dire les généraux, se rendirent à Naumbourg, et eurent ordre de passer incessamment le Queis. On leur donna des guides pour les conduire à Catholisch-Hennersdorf,a avec ordre de se seconder mutuellement, selon qu'une colonne qui donnerait sur les quartiers de l'ennemi, aurait besoin de cavalerie ou d'infanterie pour réussir dans son opération; car on manquait d'informations assez exactes des lieux où l'armée du


c Le Queis.

a Hennersdorf près de Lauban, autrefois Nieder-Hennersdorf.