<166>partis de tous côtés; l'un d'eux lui amena six fuyards du corps de Sibilski, qui assurèrent que les Saxons étaient battus : ce qui fit ajouter foi à leurs discours, c'est qu'on ne vit paraître aucun Prussien, ce qui arrive d'ordinaire lorsque les affaires vont mal. Mais la nuit, qui survint, obligea le Roi de retourner à Meissen, pour ne pas s'exposer à quelque affront, satisfait d'avoir toutes les probabilités de la victoire de ses troupes. Si la fortune n'avait pas secondé le prince d'Anhalt, le Roi s'était décidé à rassembler ses troupes sur les hauteurs de Meissen; aller au-devant des troupes battues; de les mettre en seconde ligne, son armée dans la première; d'attaquer de nouveau les ennemis, et de les vaincre à quelque prix que ce fût. Mais le prince d'Anhalt lui épargna cette peine; le soir même un officier de cette armée arriva, et rendit compte au Roi des circonstances suivantes de cette glorieuse bataille.
Le prince d'Anhalt avait décampé le 15 de grand matin, et avait pris par Wilsdruf le droit chemin sur Dresde. Ayant passé Wilsdruf, ses hussards donnèrent sur un gros d'uhlans, qu'ils poussèrent devant eux jusqu'à Kesselsdorf, où ils aperçurent toute l'armée saxonne rangée en ordre de bataille; ils en avertirent incontinent le prince d'Anhalt. Un profond ravin, dont en certains endroits le fond est marécageux, couvrait le front des ennemis : sa grande profondeur est du côté de l'Elbe; il va toujours en s'aplanissant vers Kesselsdorf, et se perd entièrement au delà, vers la forêt du Tharand. Les Saxons avaient appuyé leur gauche à Kesselsdorf : le terrain y était, comme je l'ai dit, entièrement uni; ce village était défendu par tous les grenadiers de leur armée, et par le régiment de Rutowski; une batterie de vingt-quatre pièces de gros canon en rendait l'abord meurtrier. Le corps de Grünne était à l'aile droite de cette armée, qui s'appuyait à Bennerich, proche de l'Elbe : ce lieu était inattaquable, à cause des rochers et des précipices qui en interdisent l'abord. Avant la bataille, la cavalerie saxonne était à la gauche de Kesselsdorf, rangée en ligne avec le reste de l'armée, la gauche vers le Tharand : on ne sait pourquoi le comte Rutowski la déplaça, et la mit en troisième ligne derrière son infanterie.