<167>Comme le prince d'Anhalt arriva sur les lieux avec la tête de son armée, il jugea d'abord que le succès de cette journée dépendait de la prise du village de Kesselsdorf, et il fit ses arrangements pour l'emporter. Il commença par former ses troupes vis-à-vis celles de l'ennemi : l'infanterie, destinée pour donner sur le village, fut mise sur trois lignes, et les dragons de Bonin formèrent la quatrième. Dès que ses troupes furent ainsi disposées, trois bataillons de grenadiers, avec les trois de son régiment, attaquèrent le village de front; M. de Lehwaldt le prit par le flanc : vingt-quatre canons chargés de mitraille, les grenadiers saxons et le régiment de Rutowski firent reculer les assaillants. La seconde attaque ne fut pas plus heureuse, car le feu était trop violent; mais le régiment de Rutowski sortit du village, et voulut poursuivre les Prussiens; il se mit donc devant ses batteries, qu'il empêchait de tirer. Le prince d'Anhalt profita de ce moment : il ordonna au colonel Lüderitz, qui commandait les dragons, de charger; alors celui-ci fondit sur les Saxons en pleine carrière. Tout ce qui résista, fut passé au fil de l'épée; le reste fut pris; l'infanterie s'empara en même temps du village, y entra de tous les côtés, et prit la batterie qui avait rendu ce poste si formidable. Le général Lehwaldt mit le comble à cette victoire : il obligea toutes les troupes qui avaient défendu le village à mettre les armes bas. Le prince d'Anhalt profita de ce premier succès en habile capitaine : il gagna sans perte de temps le flanc gauche de l'ennemi; la cavalerie de sa droite renversa d'un seul choc la cavalerie saxonne, et la dissipa à ne pouvoir se rallier. Tout prit la fuite avec tant de promptitude, qu'ils échappèrent à des troupes accoutumées à conserver l'ordre et à ne point se débander.
La gauche des Prussiens, sous les ordres du prince Maurice, se canonna avec l'ennemi jusqu'à ce que le village de Kesselsdorf fut emporté; mais impatiente alors d'avoir part à la gloire de cette journée, elle marcha aux Saxons, en bravant tous les obstacles : des rochers à gravir, des neiges qui rendaient le terrain glissant, la difficulté du terrain, et des ennemis qui combattaient pour leurs foyers, tout céda au courage des vainqueurs. Les