<171>Bientôt le Roi fit occuper le faubourg de Dresde. Le commandant fut sommé de se rendre : il répondit que Dresde n'était point une place de guerre; et les ministres envoyèrent un mémoire qui devait tenir lieu d'une espèce de capitulation. Le Roi en régla les conditions selon son bon plaisir. Le 18, les Prussiens entrèrent dans la ville. La milice fut désarmée, et servit à recruter les troupes : on y prit quatre cent quinze officiers et quinze cents blessés de la bataille de Kesselsdorf. Le Roi établit son quartier à Dresde avec l'état-major des deux armées. On divulgua dans le monde les bruits les plus injurieux au sujet des intentions du Roi sur cette capitale : on disait que le prince d'Anhalt avait demandé le pillage de Dresde pour son armée, lui ayant promis le sac de cette ville pour l'encourager pendant faction. Le penchant des hommes pour la crédulité peut seul accréditer de telles calomnies : jamais le prince d'Anhalt n'aurait osé faire au Roi une proposition aussi barbare; et d'ailleurs ces sortes de promesses peuvent se faire à des troupes indisciplinées, et non à des Prussiens qui n'ont combattu que pour l'honneur et pour la gloire : le principe de leurs succès doit s'attribuer uniquement à l'ambition des officiers comme à l'obéissance des soldats.

A peine le Roi fut-il à Dresde, qu'il rendit visite aux enfants du Roi, pour calmer leur crainte et les rassurer entièrement. Il tâcha d'adoucir leur infortune, en leur faisant rendre scrupuleusement tous les honneurs qui leur étaient dus; la garde du château fut même soumise à leurs ordres. Le Roi répondit ensuite au sieur Villiers : " Qu'il avait été assez étonné de recevoir des propositions de paix un jour de bataille; que pour abréger les négociations, il s'était rendu lui-même à Dresde; que la fortune qui avait secondé sa cause, l'avait mis en situation de ressentir vivement les mauvais procédés, la duplicité et la perfidie dont le comte de Brühl avait fait usage dans toutes ses négociations : mais que bien éloigné d'avoir une façon de penser aussi basse, il offrait, mais pour la dernière fois, son amitié au roi de Pologne; qu'il attendait que les sieurs de Bülow et de Rex eussent reçu leurs pleins pouvoirs, pour qu'on pût finir avec eux sans