<34>la France et l'Espagne, de la Lombardie au Rhin et même en Flandre : n'était-il pas à prévoir, à moins que le roi de Prusse ne fût devenu entièrement stupide, qu'il n'attendrait pas de sang-froid qu'on prit des mesures pour l'accabler, et qu'il tâcherait plutôt de faire les derniers efforts pour prévenir les desseins de ses ennemis? Il est évident que la Prusse ne trouvait plus de sûreté dans la paix de Breslau; il fallait donc en chercher ailleurs. La situation était critique : il fallait, ou que le Roi s'abandonnât au hasard des événements, ou qu'il prît un parti violent, sujet aux plus grandes vicissitudes. Les ministres représentaient à ce prince : " Que quiconque se trouve bien, ne doit pas se mouvoir; que c'est une mauvaise assertion en politique de faire la guerre pour l'éviter, et qu'il fallait tout attendre du bénéfice du temps. " Le Roi leur répondait : " Que leur timidité les aveuglait; que c'était une grande imprudence de ne pas prévenir à temps un malheur, quand on a les moyens de s'en garantir; qu'il connaissait qu'en faisant la guerre il exposait sa noblesse, ses sujets, son État et sa personne à des hasards inévitables; mais que cette crise demandait une décision, et que, dans de pareils cas, le plus mauvais parti était celui de n'en prendre aucun. "

Pour voir d'un coup d'œil les raisons que le Roi crut avoir de déclarer la guerre à la reine de Hongrie, et les raisons que lui opposaient ses ministres, nous ferons usage d'un mémoire qu'il leur envoya écrit de sa main, dont voici la copie :

" Pour prendre un parti judicieux, il ne faut point se précipiter. J'ai mûrement réfléchi sur la situation où nous nous trouvons, et voici les remarques que je fais sur la conduite de mes ennemis, en la résumant pour mieux constater leurs desseins. 1o Pourquoi par la paix de Breslau la reine de Hongrie s'est-elle si obstinément opiniâtrée à se réserver les hautes montagnes de la Haute-Silésie, qui sont d'un si modique rapport? Certainement l'intérêt n'y a aucune part. J'y découvre un autre dessein : c'est de se conserver, par la possession de ces montagnes, des chemins avantageux pour s'en assurer l'entrée lorsqu'elle le jugera à propos. 2o Quelle raison a obligé les Autrichiens et les Anglais à s'opposer sous main à la garantie du traité de Breslau, que Mardefeld négociait à Pétersbourg, si ce n'est que cette garantie em-