<38>conclus donc que nous n'avons rien à gagner en attendant, mais tout à perdre; qu'il faut donc faire la guerre, et qu'il vaut mieux, s'il le faut, périr avec honneur, que de se laisser accabler avec honte quand on ne peut plus se défendre. "
Cependant le Roi ne se précipita point; le temps n'était pas encore venu d'éclater : il attendait des conjonctures favorables, pour se mettre dans tout son avantage. Dans ce temps-là l'Empereur, croyant ses affaires désespérées, envoya le comte de Seckendorff à Berlin,a pour engager le roi de Prusse à le soutenir. Seckendorff se croyait assez fort pour obliger la Saxe à changer de parti; il assura que les Français agiraient avec vigueur, que leurs intentions étaient sincères; il pressa beaucoup le Roi de se déclarer : son heure n'était pas encore venue, et il lui fit la réponse contenue dans ces points : 1o Avant de s'engager avec l'Empereur et la France, Sa Majesté regarde comme un préalable que l'alliance du Roi avec la Russie et la Suède soit conclue. 2o La Suède promettra de faire une diversion dans le pays de Brème, en même temps qu'une armée française attaquera le pays de Hanovre. 3o La France promettra d'agir offensivement sur le Rhin, et de poursuivre vivement les Autrichiens, lorsque la diversion que le Roi se propose de faire les attirera en Bohême. 4o La Bohême sera démembrée des États de la reine de Hongrie, et le Roi en possédera les trois cercles les plus voisins de la Silésie.a 5o Les puissances alliées ne feront point de paix séparée, mais resteront constamment unies pour travailler au rabaissement de la nouvelle maison d'Autriche. L'article des conquêtes n'était ajouté à ce projet qu'à tout hasard, au cas que la fortune favorisât cette entreprise : il était prudent de s'accorder d'avance sur un partage qui dans la suite aurait pu brouiller les alliés.
Ces mesures se prenaient cependant avec beaucoup de circonspection. Le Roi connaissait la mollesse des Français dans leurs opérations de guerre, et le peu d'attachement qu'ils avaient
a Le feld-maréchal comte Seckendorff vint à Berlin le 11 février 1744.
a Cette clause est énoncée plus formellement dans le VIe article du traité d'alliance que le Roi fit avec la France, et qui fut signé à Versailles le 5 juin 1744 Voyez. Flassan, Diplomatie française. Paris, 1811, 2e édition, t. V, p. 225 et 226.