<40>Prusse; il était apparenté avec tout ce qu'il y avait de plus illustre à la cour : il pouvait par ces voies se procurer des connaissances qui auraient échappé à d'autres, et par conséquent informer le Roi de la façon de penser de Louis XV, de ses ministres et de ses maîtresses; car il fallait une boussole pour s'orienter. Le trop grand feu du comte Rottembourg pouvait se tempérer par le flegme de M. de Chambrier : tous deux pouvaient rendre des services utiles à l'État. Le comte de Rottembourg partit donc pour Versailles. Il fit faire ses premières insinuations par le duc de Richelieu et par la duchesse de Châteauroux.b On l'envoya à M. Amelot, ministre des affaires étrangères, qui ne passait pas pour partisan de la Prusse : mais le cardinal Tencin, le maréchal de Belle-Isle, d'Argenson, ministre de la guerre, Richelieu et la maîtresse du Roi se déclarèrent pour le comte de Rottembourg. Les articles proposés au maréchal de Seckendorff servirent de base à la négociation qui s'entama avec la France : on insistait le plus sur ce que l'armée française de l'Alsace poursuivît les Autrichiens et leur reprît la Bavière, et qu'une autre armée française entrât en même temps en Westphalie; et le Roi se réservait de n'entrer en jeu qu'après avoir conclu son alliance avec la Suède et la Russie. Ce dernier article lui laissait la liberté d'agir ou de n'agir pas, selon que les événements lui paraîtraient favorables ou contraires. Le Roi se flattait de suspendre encore le moment de la rupture; mais la tournure que prirent les affaires générales, et les succès des armées autrichiennes en Alsace, l'obligèrent à se déclarer plus tôt contre la reine de Hongrie. L'alliance des Prussiens était tout ce qui pouvait arriver alors de plus avantageux à la France : son propre intérêt était l'aiguillon le plus fort qui devait l'animer à remplir ces arrangements; mais qui peut compter sur le système d'une cour gouvernée et ballottée par des intrigues, et sur la vigueur et l'activité des troupes, lorsque des généraux timides et sans nerf les commandent?


b Dans Flassan, l. c., p. 222-224, on voit combien madame de Châteauroux fut utile au roi de Prusse pour faire conclure le traité d'alliance de Versailles du 5 juin 1744.