<51>le village, et s'amusèrent à des formalités superflues, tandis que le prince de Lorraine mit ce temps à profit pour repasser le Rhin sur ses ponts de Beinheim, qu'il rompit avant l'aube du jour. Les Fiançais firent sonner cette affaire fort haut; c'étaient des rodomontades : la perte de part et d'autre ne monta pas à six cents hommes, et le prince de Lorraine continua paisiblement sa marche par la Souabe et le Haut-Palatinat, pour entrer en Bohême. Schmettau, qui était auprès de la personne du Roi, était désespéré de la mollesse des Français. Il présentait des mémoires au Roi, il pressait les ministres, il écrivait aux maréchaux; mais il eût plutôt transporté des montagnes que de tirer cette nation de son engourdissement.
Le moment décisif où les Français pouvaient ruiner l'armée de la Reine étant passé, sans qu'ils daignassent en profiter, Schmettau tâcha de dissuader les maréchaux du dessein qu'ils avaient de mettre le siège devant Fribourg; ce fut encore en vain. Tout ce qu'il put obtenir, se borna à quelques renforts de troupes allemandes qu'on promit de donner aux troupes impériales, pour que M. de Seckendorff pût déloger les Autrichiens de la Bavière. La cour promit qu'au printemps de l'année 1745 on porterait ces troupes au nombre de soixante mille hommes. Ainsi au commencement de l'alliance des Prussiens et des Français, ces derniers manquèrent aux deux articles principaux de leur traité : ils laissèrent échapper le prince de Lorraine sans le poursuivre, et cette armée qu'ils devaient envoyer en Westphalie, n'y parut point. Cependant M. de Seckendorff marcha pesamment et à pas comptés pour s'approcher du Lech, et Louis XV à la tête de soixante-dix mille Français fit le siège de Fribourg, prit cette place à la fin de la campagne, et en fit raser les fortifications.
Ce furent les avantages du prince de Lorraine en Alsace qui engagèrent le roi de Prusse à se déclarer plus tôt qu'il ne l'avait projeté. Il y avait tout à craindre que l'ascendant des troupes autrichiennes ne forçât les Français à en passer par les conditions que l'arrogance de ces derniers leur voudrait prescrire; et, dans ce cas, il n'était pas douteux que la Reine n'eût employé toutes ses forces pour reprendre la Silésie. Cependant les arrangements politiques que la cour de Berlin s'était proposé de prendre, étaient