<53>Prague : ces colonnes couvraient l'artillerie, et des vivres pour trois mois, qu'on avait embarqués sur l'Elbe pour les conduire à Leitmeritz. Le maréchal de Schwerin, avec une troisième colonne, devait déboucher de la Silésie par Braunau, et se joindre au reste de l'armée, pour former en même temps l'investissement de Prague. Outre cette armée, le vieux prince d'Anhalt avait un corps de dix-sept mille hommes dont il couvrait l'Électorat, et M. de Marwitz commandait vingt-deux mille hommes destinés pour la défense de la Haute-Silésie. L'Empereur avait fait expédier des lettres réquisitoriales au roi de Pologne, électeur de Saxe, pour lui demander le passage par ses États pour ses troupes auxiliaires de Prusse pour entrer en Bohême. Auguste était alors à Varsovie. Ces lettres furent insinuées à ses ministres, qui régentaient la Saxe en son absence, par ce Winterfeldt qui avait négocié à Pétersbourg, et s'était si fort distingué dans les premières campagnes. Les Saxons furent étourdis de cette proposition : ils voulaient gagner du temps, mais les Prussiens étaient déjà sur leur territoire. Ils protestèrent et se récrièrent inutilement contre une démarche dont le but principal était d'empêcher que l'Empire ne reçût l'affront de voir opprimer et détrôner son Empereur.

Pendant qu'on murmurait à Dresde, qu'on était furieux à Varsovie, qu'à Londres on se voyait prévenu, et que la crainte se répandait à Vienne, le Roi marcha droit sur Pirna, où les régiments du duché de Magdebourg, qui avaient pris leur route par Leipzig, le joignirent. Toute la Saxe était en mouvement. Les troupes s'assemblaient par pelotons aux environs de Dresde : l'on se hâtait de fortifier cette capitale; les bras des artisans mêmes furent employés pour faire des coupures dans le quartier qu'on appelle la Nouvelle-Ville. Les ministres saxons voulaient marquer de la fierté, et ils étaient en même temps saisis de crainte; ils accordaient trop d'un côté, et refusaient obstinément des bagatelles. Si le Roi avait voulu s'emparer de ce pays, cette besogne aurait été expédiée en huit jours. Enfin ils donnèrent des subsistances; ils prêtèrent des bateaux pour traverser l'Elbe; ils laissèrent passer la flotte chargée de vivres au milieu de Dresde : mais on y doubla la garnison; les canons furent mis en batterie; les portes, fermées et barricadées, et l'on en refusa l'entrée aux officiers