<61>Le manque de vivres joint à cette gêne où se trouvaient les Prussiens, les obligea de retourner sur leurs pas. Le maréchal de Schwerin était d'avis qu'il fallait se porter sur Neuhaus, pour augmenter la jalousie que les ennemis pouvaient avoir sur l'Autriche; le prince Léopold soutenait qu'il fallait se porter sur Budweis, qui était occupé par M. de Nassau. Sur ces entrefaites, un espion apporte la nouvelle que l'armée du prince de Lorraine était à Protiwin. Cet avis décida du parti qu'il y avait à prendre. L'armée repassa la Moldau, et se campa sur les hauteurs de Wodnian; mais à peine y fut-on arrivé, que la fausseté de cet avis fut connue : cela mit de la mésintelligence entre M. de Schwerin et le prince Léopold, et le Roi fut souvent dans le cas d'interposer son autorité, pour empêcher que la jalousie de ces deux maréchaux ne nuisît au bien général.

M. de Jahnus, lieutenant-colonel dans les hussards de Dieury, avait été détaché pour presser les livraisons que les gens de ces contrées devaient faire à Tabor : le besoin en était d'autant plus pressant, que les farines de l'armée tiraient vers leur fin. Jahnus marcha avec deux cents hussards à un village nommé Mühlhausen, situé au bord de la Moldau. L'ennemi en fut informé : un corps considérable de hussards tomba sur lui; c'était un brave homme, et il perdit la vie pour ne point avoir la réputation d'être battu; tout son corps fut dissipé. Nadasdy fit des ponts à cet endroit même, et s'avança droit à Tabor pour l'attaquer. Le prince Henri, frère du Roi, qui y était tombé malade, et le colonel Kalnein qui y commandait, lui firent comprendre qu'on ne s'empare pas d'une ville défendue par des Prussiens, avec de la cavalerie légère.

Ce fut alors qu'on apprit que le prince de Lorraine occupait un camp fort, derrière la Wotawa, à deux milles de Pisek; que les Saxons l'avaient joint, et que son intention était de couper les Prussiens de la Sasawa, et par conséquent de Prague, en passant la Moldau derrière l'armée. Le manque de subsistances, l'obstacle que Nadasdy mettait à en amasser, la possibilité que les Autrichiens eussent fait ce mouvement, détermina les Prussiens à s'approcher de Tabor : ils passèrent, le 8 d'octobre, la Moldau, sur le pont de Teyn. L'arrière-garde fut vivement harcelée par des