<63>dans un cas pressant, il vaut mieux perdre trois cents malades que de hasarder quelques milliers d'hommes dans des villes où ils ne peuvent se défendre. Au contraire, si l'on se proposait de se battre, il fallait rassembler toutes les forces que l'on avait, pour être mieux en état de battre l'ennemi, et ces deux misérables trous ne pouvaient pas empêcher le prince de Lorraine de faire sa retraite comme il le jugerait à propos. Mais, disait-on, le maréchal de Seckendorff était déjà arrivé en Bavière; il avait rejeté Bärenklau en Autriche; il avait nettoyé d'ennemis tout cet électorat, à la réserve d'Ingolstadt, de Braunau et de Straubing : cela était très-bon, mais les succès des Impériaux ne devaient pas empêcher les Prussiens de se conduire prudemment, et ces avantages n'étaient pas assez forts pour qu'on pût impunément commettre des fautes.

Dans cette situation, le poste de Beneschau devenait de la dernière importance : il fallait l'occuper avant le prince de Lorraine, parce qu'il était inattaquable, et qu'il pouvait décider entre les mains des ennemis du destin de l'armée. La seule ressource qu'on aurait eue encore, aurait été de passer la Sasawa à Rattay, pour tirer des vivres de Pardubitz. Le maréchal de Schwerin se mit pour cet effet à la tête de quinze mille hommes; il prit non seulement le camp de Beneschau, mais il s'empara encore des magasins considérables qu'on y avait amassés pour les Autrichiens. Le Roi le joignit le 14 d'octobre; l'avant-garde de l'ennemi était déjà en marche pour s'y rendre. L'armée séjourna huit jours entre Beneschau et Konopischt. On y apprit la nouvelle désagréable, à laquelle cependant on devait s'attendre, qu'un détachement de dix mille Hongrois avait fait prisonnier à Budweis le régiment de Kreytzen, et à Tabor, celui des pionniers. Ainsi, pour sauver trois cents malades, on perdit trois mille hommes. Le Roi, qui se repentait d'avoir, pour ainsi dire, abandonné ces régiments, envoya ordre par huit personnes différentes au général Kreytzen qui commandait dans Budweis, d'évacuer la ville et de suivre l'armée; mais aucune n'arriva jusqu'à lui. Budweis se rendit, après avoir consommé toutes les munitions que les circonstances avaient permis d'y laisser. Tabor fut pris à tranchée ouverte, par une brèche que l'ennemi avait faite à la muraille.