<73>morts que blessés. Ce qui caractérise bien l'esprit hongrois, c'est qu'au milieu de cette escarmouche quelques cochons se mirent à crier dans le village de Pless; ce fut le signal de la trêve : les pandours abandonnèrent les Prussiens, et coururent tous au village égorger des bêtes qu'ils aimaient mieux manger que de se battre; il y a sûrement dans l'histoire peu d'exemples d'escarmouches aussi vives, qui aient eu un dénoûment aussi grotesque. La colonne de M. Du Moulin fut attaquée au village d'Else,b mais avec si peu de vigueur, que cela ne mérite aucune considération. La colonne où était le Roi arriva le 4 décembre à Tannhausen; le vieux prince d'Anhalt y arriva presque en même temps. Le prince Léopold avait pris une maladie qui faisait craindre pour ses jours. Le maréchal de Schwerin avait pris de l'humeur, et quitta l'armée avant son retour en Silésie. Le Roi fut obligé de se rendre à Berlin,a pour y prendre les arrangements nécessaires pour la campagne prochaine, et pour préparer en même temps le chemin à quelques négociations, que l'on pouvait rendre plus vives au cas que les circonstances l'exigeassent.

Voici ce qui arriva aux autres corps dans leur retraite. M. de Winterfeldt ramena heureusement son détachement de Leitmeritz en Silésie; il fut harcelé en chemin, mais ses bonnes dispositions tinrent les Hongrois en respect. La garnison de Prague ne suivit pas littéralement les dispositions qu'elle avait reçues. M. d'Einsiedel devait faire sauter les ouvrages du Wyssehrad et de Saint-Laurent; il devait faire crever les canons de la grosse artillerie et en brûler les affûts, jeter dans l'eau les fusils dont la garnison de la Reine avait été armée. M. d'Einsiedel crut faussement que ce premier ordre serait révoqué; il en suspendit l'exécution jusqu'au moment de son départ : alors ce fut trop tard. Comme il vit que le moment d'évacuer la ville approchait, il assembla tous les chevaux qu'il put trouver, pour emmener avec


b Golden-Oelse ou Golden-Oesel.

a Le 14 décembre 1744, le Roi arriva à Berlin, venant de la Silésie. Le 17, il se rendit à Potsdam; mais d'après les gazettes de Berlin, il repartit le 21 en toute hâte pour la Silésie, parce que les Autrichiens venaient d'envahir le comté de Glatz. Il revint à Berlin le 25 du même mois.