<76>en lui coupant ses communications : à quoi cette chaîne de montagnes dont la Bohême est environnée, fournit tout ce qu'un officier intelligent peut désirer en fait de gorges et de postes où il puisse intercepter les convois. Il n'y a qu'une seule méthode pour prendre ce royaume.
Aucun général ne commit plus de fautes que n'en fit le Roi dans cette campagne. La première de toutes fut certainement de ne s'être pas pourvu de magasins assez considérables pour se soutenir au moins six mois en Bohême : on sait que qui veut bâtir l'édifice d'une armée, doit prendre le ventre pour fondement.a Mais ce n'est pas tout. Il entre en Saxe; il sait que ces Saxons avaient accédé au traité de Worms : ou il fallait les forcer à changer de parti, ou il fallait les écraser avant de mettre le pied en Bohême. Il fait le siège de Prague, et envoie un faible détachement à Béraun contre M. de Batthyani : si les troupes n'avaient pas fait des prodiges de valeur, il aurait été cause de leur perte. Prague prise, il était certainement de la bonne politique de marcher avec la moitié de l'armée droit à M. de Batthyani, de l'écraser avant l'arrivée du prince de Lorraine, et de prendre le magasin de Pilsen, la perte duquel aurait empêché aux Autrichiens leur retour en Bohême : ils auraient été obligés d'amasser de nouveau des subsistances, ce qui demande du temps; de sorte que cette campagne aurait été perdue pour eux. Si l'on ne s'y est pas pris avec assez de zèle pour remplir les magasins prussiens, il ne faut point l'imputer au Roi, mais aux commis des vivres, qui se faisaient payer les livraisons et laissaient les magasins vides. Mais comment ce prince eut-il la faiblesse d'adopter le projet de campagne du maréchal de Belle-Isle, qui le mena à Tabor et à Budweis, lorsqu'il convenait lui-même que ce projet n'était conforme ni aux conjonctures, ni à ses intérêts, ni aux lois de la guerre? Il n'est pas permis de pousser la condescendance aussi loin : cette faute en entraîna une foule d'autres à sa suite. Enfin était-il bien permis de mettre son armée en cantonnements, quand l'ennemi ne campait qu'à une marche de ces quartiers? Tout l'avantage de cette campagne fut pour les Autrichiens : M. de Traun y
a Iliade, chant XIX, v. 160-170.