<85>Hongrie, il ne devait en cas de guerre lui fournir que six mille hommes. Dès que les Prussiens furent en Bohême, vingt-deux mille Saxons se joignirent aux Autrichiens, et la Saxe interdit aux Prussiens le passage des vivres et des munitions de guerre : cela était équivalent à une déclaration de guerre dans les formes. Le roi de Prusse crut devoir avertir ces voisins si acharnés contre lui, des mauvaises affaires qu'ils allaient s'attirer à eux-mêmes : cette déclaration, peut-être faite à contre-temps, révolta leur amour-propre, et augmenta encore la haine qu'ils avaient pour les Prussiens. Lorsque les Prussiens abandonnèrent la Bohême, le comte Brühl attribua leur malheur à son habileté : il se vantait que la reine de Hongrie devait la Bohême à la valeur des troupes saxonnes, qui en avaient chassé les Prussiens.
Brühl, non content de ces fanfaronnades, avait surtout à cœur de brouiller le roi de Prusse avec la république de Pologne. Il faut se rappeler qu'il y a une loi sévère dans cette république contre ceux qui corrompent un membre de la diète : Brühl, à force de récompenses, engagea un staroste, nommé Wilczewski, à déclarer en pleine diète que le ministre prussien l'avait corrompu moyennant la somme de cinq mille ducats; il le fit d'un air repentant et de vérité qui aurait pu séduire; mais il fut sévèrement examiné, et confondu par ses propres dépositions. La diète de Varsovie fut rompue incontinent, après avoir rejeté l'alliance de l'Autriche et l'augmentation de l'armée.
La Pologne fourmillait alors de mécontents, comme c'est l'ordinaire dans les États républicains, où la liberté ne se soutient que par les partis différents qui contiennent alternativement l'ambition de la faction contraire. Ces mécontents offrirent au roi de Prusse de faire une confédération contre les Czartoryski, les Potocki, ou proprement contre Auguste III. C'aurait été le moyen de susciter bien des embarras au roi de Pologne; mais le roi de Prusse, qui loin de vouloir attiser le feu de la guerre, voulait l'éteindre, eut assez de modération pour conseiller à ces palatins de ne point troubler la tranquillité de leur patrie; il fit même offrir à ce roi qui l'avait tant offensé, et qui voulait retourner en Saxe, toutes les sûretés pour son passage par la Silésie. Les refus d'Auguste III ne se ressentirent pas de la politesse qui régnait