<92>de l'électeur de Bavière dans ce bouleversement total, non point comme un héros qui trouve des ressources dans son génie quand le vil peuple désespère, mais comme une créature de la cour de Vienne, et avec l'intention de séduire un jeune prince sans expérience et accablé de malheurs. Les Français avaient déjà, dès la campagne précédente, soupçonné ce maréchal de s'être laissé corrompre, parce qu'en Alsace il n'avait pas agi contre les Autrichiens conformément à ce qu'on devait attendre de lui : on l'avait trouvé sans énergie lorsqu'il attaquait l'ennemi, et mou dans la poursuite, lorsqu'il pouvait le détruire. On l'accusait d'avoir exprès séparé les quartiers des alliés, pour les livrer pieds et poings liés à leurs ennemis. On avançait même qu'il avait reçu de la reine de Hongrie trois cent mille florins des arrérages qui lui étaient dus par l'empereur Charles VI, pour décider l'électeur de Bavière à faire sa paix. Il est apparent que la cour de Vienne; lui avait fait entrevoir des avantages : on pouvait lui avoir promis cette somme; mais alors la cour de Vienne n'était guère en état de l'acquitter. Ce qui dépose le plus contre lui, ce sont les mouvements qu'il se donna pour accélérer ce traité de Füssen : il produisit de fausses pièces au jeune électeur; il lui montra des lettres supposées du roi de Prusse, dans lesquelles celui-ci lui faisait part de la paix qu'il allait conclure avec la reine de Hongrie; il releva des avantages imaginaires que les armes de cette princesse avaient remportés en Flandre et en Italie : enfin, il le conjura de terminer ses différends avec cette princesse, pour éviter sa ruine totale. L'Électeur, jeune et sans expérience, se laissa entraîner par les créatures de la cour de Vienne, dont Seckendorff l'avait environné. L'Empereur son père lui avait dit en mourant : " N'oubliez jamais les services que le roi de France et le roi de Prusse vous ont rendus, et ne les payez pas d'ingratitude. " Ces paroles, qu'il avait dans l'esprit, rendirent un moment sa plume immobile entre ses doigts; mais l'abîme où il se trouvait, les impostures de Seckendorff, et l'espérance d'une meilleure fortune, le déterminèrent à signer le traité de Füssen, le 22 d'avril de l'année 1745. Par ce traité, la reine de Hongrie renonça à tout dédommagement, et promit de restituer l'Électeur dans la possession entière de ses États : de son côté, l'Électeur renonça, pour lui et pour