<99>voyez ici les victimes immolées aux haines politiques, et aux passions de nos ennemis : conservez-en la mémoire, pour ne point vous jouer de la vie de vos sujets, et pour ne point prodiguer leur sang dans des guerres injustes. " Le maréchal de Saxe, que l'hydropisie dont il était attaqué n'avait pas empêché d'agir en général, reçut du Roi les éloges les plus flatteurs; il semblait qu'il s'était arraché aux bras de la mort pour vaincre les ennemis de la France. Le roi de Prusse le félicita sur la gloire dont il venait de se combler, regardant sa victoire comme un engagement qu'il prenait avec le public, qui s'attendait à de plus grandes choses encore du maréchal de Saxe en santé que du maréchal de Saxe à l'agonie.a L'Europe se vit inondée de gazettes versifiées, qui annonçaient ce grand événement; mais il faut avouer qu'en cette occasion le temple de la Victoire l'emporta sur celui des Muses. La prise de Tournai attesta la victoire des Français : la garnison, qui s'était réfugiée dans la citadelle, se rendit le 19 de juin. La capitulation fut signée, à condition que les quatre mille hommes qui l'évacueraient, ne feraient aucun service pendant l'espace de dix-huit mois contre les Français.
Louis XV renforça son armée de Flandre par un détachement de vingt mille hommes, que lui fournit l'armée du Rhin. Le prince de Conti en prit le commandement à la place de M. de Maillebois, qui servait en Italie. Un détachement fait si fort hors de saison, choque également les règles de la guerre et de la politique; mais comme ce qui donna lieu à cette conduite demande quelque discussion, le lecteur trouvera bon, pour son intelligence, que nous lui en développions les motifs. La France avait épuisé tous les ressorts de sa politique pour persuader au roi de Pologne d'ambitionner le trône impérial. Le peu de succès de ses intrigues ne l'avait point dégoûtée : au contraire, elle persévérait de négocier à Dresde. Le comte de Saint-Séverin, qui avait bien servi
a Le 16 juillet 1749, après une visite à Sans-Souci, le maréchal de Saxe étant sur le point de retourner à Dresde, le Roi lui écrivit : " On parlait ces jours passés d'actions de guerre, et on agitait cette question rebattue, savoir : laquelle des batailles gagnées faisait le plus d'honneur au général? Les uns disaient que c'était celle d'Almanza : d'autres se déclaraient pour celle de Turin : pour moi je fus d'avis que c'était la victoire qu'un général à l'agonie avait remportée sur les ennemis de la France. "