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XI. LETTRE DE M. LE COMTE DE PODEWILS A M. DE VILLIERS.

De Bautzen, le 12 décembre 1745.



Monsieur,

J'ai l'honneur de vous communiquer, par ordre du roi mon maître, les Réflexions ci-jointes sur le mémoire que la cour de Saxe vous a remis en date de Prague, du 9 de ce mois.

Je suis persuadé, monsieur, qu'un ministre aussi éclairé et aussi bien intentionné que vous l'êtes, en fera le meilleur usage du monde.

Il me semble que le prompt envoi d'un ministre, muni des pleins pouvoirs suffisants de la cour où vous êtes pour la conclusion de la paix, avancerait de beaucoup un ouvrage si salutaire, et rapprocherait peut-être les esprits.

Serait-il possible que l'on méconnût assez ses véritables intérêts en Saxe, pour pousser le Roi à bout par la demande extraordinaire de la cessation des hostilités et des contributions avant la signature du traité de la paix? S'est-on jamais avisé de vouloir donner de cette façon-là les lois au vainqueur? et ne doit-on pas profiter en Saxe de la modération du Roi, de vouloir bien, malgré ses avantages, s'en tenir au simple rétablissement de la paix qu'on offre, et qu'on tient en main à la cour où vous êtes, en faisant <208>cesser toutes les calamités et tous les inconvénients de la guerre du jour même de la signature de la paix?

Au reste, monsieur, il paraît qu'on veut surprendre votre religion, en vous faisant accroire, par des imputations mal fondées, que le Roi veut la ruine de la Saxe, dont les habitants ne sauraient assez reconnaître le bon ordre et l'exacte discipline que Sa Majesté fait observer à ses troupes dans tout le pays qu'elle occupe, à la honte des alliés de la Saxe, qui l'ont ravagée partout où ils sont venus. Vous sentirez bien qu'on s'y prend tout autrement quand on veut ruiner un pays. Mais les contributions et l'entretien de l'armée font une partie trop essentielle des lois de la guerre qu'on nous a forcés de faire, pour y pouvoir trouvera redire tant qu'elle subsiste, surtout quand on est le maître, comme on l'est en Saxe, de les voir finir d'un jour à l'autre.

Enfin, redoublons nos soins pour jeter, par la paix avec la cour où vous êtes, les fondements de la tranquillité de l'Allemagne, et pour nous acquitter dignement l'un et l'autre de la tâche la plus glorieuse de notre ministère, qui est de contribuer, autant qu'il dépend de nous, au bonheur des nations. Mon séjour en ce pays-ci ne sera pas long; je serais au désespoir si mon voyage devenait entièrement infructueux, et si je devais me voir privé de la satisfaction de vous assurer de bouche qu'on ne saurait rien ajouter aux sentiments de considération et d'estime avec lesquels j'ai l'honneur d'être etc.

Le comte de Podewils.