<101>lieu aux Prussiens d'insulter à son caractère : c'était l'homme le plus propre qu'on pût choisir pour brouiller des cours. La commission dont il était chargé, donna lieu à la conduite bizarre qu'il tint pendant que les Saxons étaient bloqués dans leur camp de Pirna : il était demeuré à Dresde; il voulut à différentes reprises se rendre à Struppen auprès du roi de Pologne; quoique cela fût généralement défendu, il voulut forcer les gardes, pour s'attirer des violences de leur part; il essaya inutilement de passer la chaîne des vedettes; on lui opposa, toutes les fois qu'il tenta de ces entreprises, tant de politesse et tant de fermeté, qu'il ne put aller auprès du roi de Pologne, ni trouver un prétexte léger pour brouiller le roi de Prusse et le roi de France. Cela impatienta la cour de Versailles, qui sans chercher d'autres détours renvoya M. de Knyphausen, ministre prussien à Paris, et rappela M. de Valori, qui résidait à Berlin. Cette démarche d'éclat obligea le Roi, à son retour de Bohême, de faire signifier à M. de Broglie à Dresde, où le Roi établissait son quartier, que toute intelligence venant d'être rompue entre les deux cours par le rappel des ministres, il n'était plus séant qu'un ambassadeur de France résidât dans un lieu où se trouvait Sa Majesté, et qu'il n'avait qu'à se préparer à partir incessamment pour se rendre auprès du roi de Pologne, auquel il était accrédité. M. de Broglie reçut cette déclaration avec cet air de dignité et de hauteur dont les ministres français savent se revêtir lorsqu'ils se souviennent des belles années de Louis XIV : cependant il n'en partit pas moins promptement pour Varsovie. La cour de Versailles, qui voulait la rupture, et qui, ayant perdu de vue le point fixe de sa politique de pousser la guerre par mer contre les Anglais, ne se conduisait que par ses caprices et par des impulsions étrangères, déclara qu'elle regardait l'invasion des Prussiens en Saxe comme une violation de la paix de Westphalie, dont elle était garante; et elle crut le prétexte de cette garantie suffisant pour se mêler de cette guerre, et pour y entraîner même les Suédois.
L'abbé de Bernis, qui avait été le promoteur de l'alliance conclue avec la maison d'Autriche, reçut le poste qu'avait eu M. Rouillé, et devint ministre des affaires étrangères. Enfin l'impétuosité française, qui pousse l'esprit de cette nation d'un ex-