<106>guéable, et que sa rive opposée à l'électorat de Hanovre domine l'autre, de sorte que la nature n'a pas voulu, quoi qu'en dît M. de Münchhausen, que jamais général habile se servît de cette rivière dans le sens qu'il proposait. Son avis prévalut néanmoins, et tout ce qu'on put obtenir du roi d'Angleterre, fut qu'il consentît à faire repasser les troupes hanovriennes et hessoises en Allemagne.

Le défaut de concert entre le Roi, les Anglais, et les Hanovriens, le mettait dans le cas de prendre des mesures différentes de ce qu'il s'était proposé pour le duché de Clèves et la forteresse de Wésel : obligé d'abandonner cette place, il donna des ordres pour qu'on ruinât une partie des ouvrages; il fit transporter par mer à Magdebourg la nombreuse artillerie qui garnissait les remparts de la place; et la garnison eut ordre d'évacuer la ville et de se retirer à Bielefeld, pour se joindre au printemps à l'armée alliée, qui devait s'y assembler sous les ordres du duc de Cumberland.

Après la preuve que les ministres de Hanovre avaient donnée du crédit qu'ils avaient sur l'esprit du roi d'Angleterre, il était clair que pour aller à la source d'où partaient les résolutions, il fallait s'adresser à eux. On avait tout à craindre pour l'armée du duc de Cumberland, moins commandée par ce prince que par un tas de jurisconsultes qui n'avaient jamais vu de camp, ni lu de livre qui traitât de l'art militaire, mais qui se croyaient égaux aux Marlborough et aux Eugène. Les intérêts du Roi étaient trop liés avec ceux du roi d'Angleterre pour qu'il vît de sang-froid les mauvais partis qu'on allait prendre : se flattant de les prévenir, il envoya M. de Schmettau à Hanovre. Ce général fit à ces magistrats présomptueux et ignorants les représentations les plus énergiques, pour les faire renoncer au projet de campagne qu'ils avaient formé; il leur en démontra les défauts; il leur en prédit les conséquences; mais le tout en vain : s'il leur avait parlé arabe, ils l'auraient tout autant compris. Ces ministres, dont l'esprit était resserré dans une sphère étroite, ne savaient pas assez de dialectique pour suivre un raisonnement militaire; leur peu de lumières les rendait méfiants, et la crainte d'être trompés dans une matière qui leur était inconnue, augmentait l'opiniâtreté natu-