<119>elle fut cependant engagée par l'imprudence de M. de Manstein, qu'un courage trop bouillant emportait quelquefois. Cette valeur fougueuse, qui s'embrasait à la vue de l'ennemi, le fit avancer sans qu'il en eût reçu l'ordre; il attaqua l'ennemi tout de suite. Le prince Henri et le prince de Bevern, qui, en désapprouvant sa conduite, ne voulurent cependant pas l'abandonner, furent forcés de le soutenir; l'infanterie prussienne gravit sur des rochers escarpés, défendus par toute la gauche des Autrichiens et par une nombreuse artillerie. Le prince Ferdinand de Brunswic, s'apercevant que le combat s'engageait de ce côté-là et devenant d'ailleurs inutile à la gauche, où il n'y avait plus d'ennemis vis-à-vis de lui, prit les Autrichiens en flanc et à dos : ce secours seconda si à propos les efforts du prince Henri, qu'il s'empara de trois batteries des ennemis, et qu'il les poursuivit de montagne en montagne. Les vaincus, qui se virent coupés de la Sasawa par le corps avec lequel le Roi leur était à dos au village de Saint-Michel,a ne virent d'autre salut pour eux que de se jeter dans la ville de Prague : ils tentèrent de se sauver du côté du Wyssehrad, où la cavalerie du Roi les repoussa à trois reprises; ils essayèrent encore de se sauver du côté de Königssaal, mais cela leur était interdit par le maréchal de Keith, dont l'armée occupait toutes les hauteurs au pied desquelles ils devaient passer. On savait à la vérité que des fuyards de l'armée impériale s'étaient jetés dans Prague; toutefois on en ignorait le nombre, de sorte que l'on se contenta d'investir la ville et de la bloquer le mieux que put le permettre l'obscurité et l'espèce de confusion qui suit les victoires.

Cette bataille, qui s'engagea vers les neuf heures du matin, dura, y compris la poursuite, jusqu'à huit heures du soir. Ce fut une des plus meurtrières de ce siècle : les ennemis y perdirent vingt-quatre mille hommes, dont trente officiers et cinq mille hommes furent faits prisonniers; on leur prit d'ailleurs onze étendards et soixante pièces de canon; la perte des Prussiens monta à dix-huit mille combattants, sans compter le maréchal de Schwerin, qui seul valait au delà de dix mille hommes. Sa mort flétrissait les lauriers de la victoire, qui avait été achetée par un sang trop précieux. Ce jour vit périr les colonnes de l'infanterie


a Au village de Michle ou Michele.