<124>prince de Bevern campé à Kuttenberg, et le maréchal Daun à Habr; ce maréchal y fut joint par tout ce que la cour put tirer des garnisons des pays héréditaires et de troupes de la Hongrie, outre les fuyards de la bataille de Prague, qui fortifièrent son armée tellement, que de quatorze mille hommes qu'elle avait été au commencement de la campagne, elle se trouvait alors composée de soixante mille combattants. L'accroissement des forces de cette armée dérangeait toutes les combinaisons précédentes des projets du Roi : il fallait nécessairement renforcer le prince de Bevern, pour qu'il pût au moins se soutenir contre une armée du triple supérieure à la sienne; d'un autre côté, il était hasardeux d'affaiblir l'armée du siége, qui avait une vaste circonférence à défendre, et qui pouvait être attaquée d'un jour à l'autre par quarante mille hommes renfermés dans cette ville. On trouva cependant moyen, en économisant les postes, en fortifiant les uns, en resserrant les autres, de faire une épargne de dix bataillons et de vingt escadrons. Ce détachement pouvait s'éloigner, mais il ne devait pas être de durée, ou le blocus en aurait souffert. Pour que l'on prît Prague et l'armée qui la défendait, il était indispensable d'éloigner le maréchal Daun de cette contrée, parce que les troupes employées à en faire la circonvallation, quoique bien postées pour repousser des sorties, n'étaient que sur une ligne, et ne pouvaient défendre leur front et leur dos en même temps; parce qu'en se laissant resserrer autour de Prague, la subsistance aurait manqué aux Prussiens, dont la cavalerie était obligée de chercher le fourrage à quatre ou cinq milles du camp. Ces considérations importantes déterminèrent le Roi à se mettre en personne à la tête de ce détachement, pour joindre le prince de Bevern, et juger sur les lieux du parti qu'il serait le plus convenable de prendre.
Le Roi partit le 13 de Prague; M. de Treskow fut détaché en même temps, pour nettoyer les bords de la Sasawa, que les troupes légères du maréchal Daun commençaient d'infester. Le Roi poursuivit sa marche par Schwarz-Kosteletz à Malotitz, où il fut joint par M. de Treskow, qui avait pris une route à droite. L'intention du Roi était d'arriver à Kolin, pour se joindre au prince de Bevern; il trouva devant lui un corps considérable, qui campait à Zasmuk; c'était M. de Nadasdy, qui avait pris cette position, par laquelle il coupait déjà en quelque manière le prince de Bevern de l'armée prussienne. Bientôt on découvrit de loin sur le chemin de Kolin deux colonnes qui prenaient la route de Kaurzim; on apprit par ceux qui furent les reconnaître, que c'était le prince de Bevern qui venait se joindre aux troupes du Roi. Le jour tombait; la nuit survint avant l'arrivée du prince, de sorte que l'on se contenta de faire camper les troupes aussi bien que l'obscurité voulut le permettre. On fut étonné du mouvement du prince de Bevern, auquel on ne s'attendait pas; il se fit à l'occasion de ce qui s'était passé la veille : il avait été attaqué le 13 à Kuttenberg par M. de Nadasdy, qu'il avait repoussé, en même temps que le maréchal Daun avait fait un mouvement sur son flanc qui l'obligea, pour ne point être tourné, de quitter sa position de Kuttenberg et de prendre celle de Kolin; là il reçut des avis que les Autrichiens, campés à Wisoka, se préparaient à l'attaquer le lendemain; pour n'en point courir le risque, il aima mieux aller au-devant du détachement prussien qu'il savait en marche pour le renforcer. On voulut le lendemain reconnaître les chemins de Wisoka, pour juger de la disposition où se trouvaient les ennemis; cependant on ne put y réussir, à cause de l'épaisseur des forêts et du nombre des pandours qui les remplissaient. Le même jour, quatre mille Croates attaquèrent un convoi qui venait de Nimbourg à l'armée; il était escorté par deux cents fantassins aux ordres de M. de Billerbeck, major dans le régiment Henri : ce brave officier se défendit trois heures contre le nombre qui l'assaillait, jusqu'à l'arrivée du secours qui le dégagea, sans avoir perdu la moindre chose de son convoi, et l'on ne trouva à redire à son monde que sept blessés; ce qui est une perte peu considérable, en comparaison du corps dont il fut attaqué. D'aussi petits détails ne deviennent dignes de l'histoire qu'autant qu'ils peuvent servir d'exemple de ce que peuvent à la guerre la valeur et la fermeté, soutenues par une bonne disposition.
Le terrain où les Prussiens étaient campés, n'était pas assez avantageux pour qu'on pût y attendre l'ennemi avec sûreté : le