<14>Quelque brillants que fussent les succès du comte de Saxe, ses triomphes mêmes commençaient à devenir onéreux à la France. On en était à la huitième campagne, et la durée d'une guerre dont les commencements avaient été funestes, épuisait la nation. Toutes les puissances belligérantes commençaient à se lasser de cette guerre, qui ayant souvent changé de cause, n'en avait à la fin aucune. Le moment de la frénésie était passé; elles pensèrent sérieusement à la paix, et entrèrent en négociation : chacune sentait ses plaies secrètes, et avait besoin de tranquillité pour les guérir. Les Anglais craignaient d'augmenter leur dette nationale, chef-d'œuvre du crédit idéal, dont l'abus pronostique une faillite générale. La cour impériale, soutenue des subsides anglais, aurait à la vérité continué la guerre autant que ses alliés lui en auraient fourni les moyens; cependant elle consentit à la paix, afin de ménager ses ressources pour un projet qui lui tenait plus à cœur que la guerre de Flandre. La France se ressentait de ses grandes dépenses; elle avait de plus à craindre que la disette n'occasionnât la famine dans ses provinces méridionales, dont les ports étaient bloqués par les flottes anglaises. A ces raisons d'État, dont le ministère de Versailles faisait montre en public, se joignaient des causes secrètes, qui en furent les plus puissants motifs. Depuis peu madame de Pompadour était devenue maîtresse du Roi; elle craignait que la continuation de la guerre n'engageât Louis XV à se mettre tous les ans à la tête de son armée : les absences sont dangereuses pour les favoris et pour les maîtresses; elle comprit que pour fixer le cœur de son amant, il fallait écarter tout prétexte qui pût l'éloigner d'elle, en un mot, qu'il fallait faire la paix; et dès lors elle y travailla de tout son pouvoir. Lorsque M. de Saint-Séverin partit de Versailles comme plénipotentiaire pour Aix-la-Chapelle, elle lui dit ces propres mots : « Au moins souvenez-vous, monsieur, de ne pas revenir sans la paix; le Roi la veut à tout prix. »
Le congrès s'assembla donc à Aix-la-Chapelle. La ville de Mastricht se rendit, et la paix fut publiée. Par ce traité la France rendit à la maison d'Autriche toutes ses conquêtes en Flandre et en Brabant; moyennant quoi, l'Impératrice céda le Parmesan et le Plaisantin à Don Philippe, réversibles toutefois à la maison