<140>armée qui s'assemblait à Erfurt; que les garnisons de Dresde et de Torgau allaient être perdues; enfin, que Berlin, cette capitale sans défense, était sur le point d'être envahie par les Suédois, qui avaient pénétré dans la Marche-Ukraine, et qui ne trouvaient qu'une poignée de monde qui s'opposât à leurs progrès. Dans ces conjonctures, les raisons les plus pressantes demandaient qu'un corps de troupes fît tête à tant d'ennemis. Le Roi se chargea de ce commandement, et se mit à la tête de peu de monde, pour ne point affaiblir son armée de Silésie, qui avait à combattre l'ennemi le plus redoutable.
Le prince de Bevern, auquel il restait cinquante bataillons et cent dix escadrons, se campa après le départ du Roi à la Landeskrone, près de Görlitz. M. de Winterfeldt plaça son détachement de l'autre côté de la Neisse sur le Holzberg,a proche du village de Moys. Le prince fit transporter son magasin de Bautzen à Görlitz. Le maréchal Daun et le prince de Lorraine se campèrent vis-à-vis de lui à Ossig, et ils détachèrent M. de Nadasdy à Schönberg, pour observer M. de Winterfeldt. Le comte de Kaunitz venait d'arriver à l'armée autrichienne, pour s'aboucher avec les généraux et régler les opérations ultérieures de la campagne. M. de Nadasdy, pour lui faire une galanterie, se proposa d'attaquer le poste de M. de Winterfeldt au Holzberg. Ce poste n'était garni que de deux bataillons; les dix autres du même corps campaient à trois mille pas en arrière plus près de Görlitz. Le jour que l'attaque se fit, M. de Winterfeldt était pour sa personne auprès du duc de Bevern, avec lequel il avait quelques arrangements à prendre; on vint lui dire que l'ennemi attaquait son poste; il y accourut : le Holzberg était emporté avant qu'il y arrivât; il voulut en déloger l'ennemi; il s'avança à la tête de quatre bataillons, et eut le malheur d'être blessé mortellement. M. de Nadasdy, content de l'avantage qu'il venait de remporter, se retira de lui-même à Schönberg; les Prussiens perdirent douze cents hommes à cette affaire, et nombre de braves officiers. M. de Winterfeldt mourut de sa blessure,a et fut d'autant plus regretté
a Le nom de Jäckelsberg est plus usité que celui de Holzberg.
a Hans-Charles de Winterfeldt, lieutenant-général, né en Poméranie le 4 avril 1707, mourut à Görlitz le 8 septembre 1757.