<18>harmonie entre les cours de Pétersbourg et de Berlin, et une chose innocente d'elle-même leur en fournit le prétexte. La nécessité d'établir une balance dans le Nord avait déterminé la France, la Prusse et la Suède à faire une triple alliance. Le comte Bestusheff affecta d'en prendre ombrage; il remplit l'Impératrice d'appréhensions, et porta les choses au point que tout de suite les Russes assemblèrent des camps considérables en Finlande sur la frontière des Suédois, et en Livonie vers la frontière de la Prusse. Ces ostentations se renouvelèrent, depuis, toutes les années. Dans des conjonctures aussi critiques, il s'éleva une dispute entre la Russie et la Suède touchant les limites de la Finlande, qu'on n'avait pas assez exactement déterminées par le traité d'Åbo : ce prétexte fâcheux donnait aux Russes la liberté de commencer la guerre lorsqu'ils le jugeraient à propos. La cour de Vienne fomenta ces dissensions, dans le dessein d'inquiéter le roi de Prusse, et de l'induire à quelque fausse démarche qui pût le commettre avec la Russie. Cependant l'Impératrice-Reine se contenta de fournir des aliments à l'aigreur des deux cours, sans précipiter le moment de la rupture.
La situation où le Roi se trouvait, était délicate et embarrassante; elle aurait pu devenir dangereuse, si l'on n'avait pas eu le bonheur de corrompre deux personnes, par le moyen desquelles le Roi était informé des desseins les plus secrets de ses ennemis : l'un s'appelait Weingarten; il était secrétaire du comte de La Puebla, envoyé d'Autriche à la cour de Berlin; l'autre était un clerca de la chancellerie secrète de Dresde. Le secrétaire rendait la copie de toutes les dépêches que le ministre recevait de Pétersbourg, de Vienne et de Londres; le clerc de la chancellerie secrète de Dresde donnait la copie des traités entre la Russie et la Saxe, et de la correspondance que le comte Brühl entretenait, tant avec le comte Bestusheff, que des dépêches du comte Flemming de Vienne. Le comte de Brühl se sentait humilié par la paix de Dresde; il était jaloux de la puissance du Roi, et il travaillait, de concert avec la cour de Vienne, à Pétersbourg, pour y communiquer la haine et l'envie dont il était dévoré. Ce ministre ne respirait que la guerre : il se flattait de profiter des pre-
a Frédéric-Guillaume Menzel.