<180>chiens. Avec quelque secret que toutes ces affaires se traitassent, il en perça cependant quelque chose; les ministres de France et d'Autriche s'aperçurent d'une variation de conduite du côté du grand chancelier; ils eurent vent des ordres qu'il avait expédiés pour le maréchal Apraxin, et ils se servirent du favori de l'Impératrice, Iwan Schuwaloff, pour faire disgracier ce ministre et causer toutes sortes de déboires à la jeune cour. Depuis ce moment, tout plia devant ces ambassadeurs en Russie, et ils entraînèrent l'impératrice Élisabeth dans des mesures violentes et peu conformes aux véritables intérêts de son empire.
La cour de Vienne avait reçu des secousses si fortes à la fin de la dernière campagne, que sa constance en fut ébranlée. Elle s'était crue sur le point de terminer la guerre, et regardait comme faite la conquête de la Silésie; déchue tout à coup de ces idées flatteuses, elle vit son armée ruinée, dont les débris à peine purent se sauver en Bohême. Ces malheurs inattendus ralentirent son ardeur pour la guerre, et tant de projets avortés firent qu'elle ne sentit plus le même éloignement ni cette aversion insurmontable pour la paix. Le style de sa chancellerie et les écrits de Ratisbonne s'adoucirent. Cependant l'aigreur et la grossièreté y reparurent aussitôt que les espérances revinrent. Tant que dura la première impression de l'infortune, l'Impératrice-Reine voulut se rapprocher du Roi, soit pour entamer une négociation, soit pour se faire une réputation de magnanimité. Le comte Kaunitz avertit le Roi d'une conspiration imaginaire formée contre lui, dans laquelle deux Napolitains et un Milanais avaient trempé. Le Roi lui fit répondre, par le comte Finck, qu'il était obligé à l'Impératrice de l'information qu'elle voulait bien lui donner; mais que comme il y avait deux manières d'assassiner, l'une par le poignard, l'autre par des écrits injurieux et déshonorants, il assurait l'Impératrice qu'il faisait peu de cas de la première, et qu'il était infiniment plus sensible à la seconde. Cela n'empêcha pas que l'indécence et le scandale de ces écrits ne continuât, et ne s'accrût même, selon que les succès de la guerre favorisèrent les armes autrichiennes. La France apprit avec un sensible chagrin les dispositions pacifiques de l'Impératrice-Reine, parce que la défection de cette