<205>troupes à différentes reprises; mais elles revenaient après un court espace, sans que du commencement on en comprît la raison. La caisse de guerre des Russes et tout l'équipage de leurs généraux étaient dans ce fond; les troupes, au lieu de le passer, comme elles le pouvaient, s'amusaient à piller, et revenaient dès qu'elles étaient bien chargées de butin. La cavalerie ne pouvait pas agir dans cette partie, à cause des marais dont ce fond était rempli; cela réduisit les Prussiens à canonner l'ennemi, ce qu'ils continuèrent jusqu'à nuit close. La bataille avait commencé à neuf heures du matin, et ne finit qu'à huit heures et demie du soir. Les Russes se retirèrent dans le bois de Tamsel, où toutes leurs troupes se mirent en pelotons, la cavalerie au centre, entourée de l'infanterie. Les Russes ont perdu à cette action cent trois canons, vingt-sept drapeaux et étendards, quatre-vingt-deux officiers, parmi lesquels cinq généraux, environ deux mille prisonniers, et pour le moins quinze mille hommes qu'ils ont laissés sur la place, parce que la cavalerie ne leur fit point quartier. L'armée du Roi y perdit deux généraux, MM. de Froideville,a et Zietena des cuirassiers, soixante officiers morts ou blessés, et environ douze cents hommes, avec vingt pièces de canon.

Le lendemain 26, l'armée du Roi prit une position très-proche de l'armée russe : on n'était qu'à douze cents pas les uns des autres. Si l'on avait eu suffisamment de munitions, on les aurait attaqués; on fut obligé de se contenter d'une canonnade, qui ne fut pas même aussi vive qu'on l'aurait désiré, à cause qu'il fallait ménager la poudre. Il n'y eut point de tentes de tendues de part et d'autre. Les dragons russes essayèrent d'attaquer l'infanterie prussienne; ils furent vivement repoussés par le régiment de Kreytzen. Pendant l'action de la veille et cette journée, c'était un spectacle affreux que de voir tous les villages voisins, auxquels les Cosaques avaient mis le feu, ce qui rassemblait dans ces environs toutes les calamités dont l'humanité peut être affligée. Cependant les canons prussiens tiraient avec succès, parce qu'il était presque impossible aux artilleurs de manquer la grosse masse en laquelle l'ennemi s'était mis; au lieu que les leurs tiraient sans le moindre effet. On reçut sur le soir quelque peu de munitions, dont les batteries firent un si bon usage, que la place devenant dès lors insoutenable pour les Russes, ils la quittèrent la nuit même, et allèrent se camper à Cammin. Le Roi les suivit; on fit encore quelques centaines de prisonniers sur leur arrière-garde,


a Gabriel Monod de Froideville, général-major et commandeur du régiment de dragons no 6, mourut à Francfort-sur-l'Oder le 3 septembre 1758, à la suite de la blessure qu'il avait reçue à la bataille de Zorndorf. Les éditeurs de 1788 ont omis son nom.
     Hans-Sigismond de Zieten, général-major et commandeur en chef du régiment de cuirassiers no 5, demeura sur le champ de bataille.
     L'Auteur a oublié de mentionner le général-major Henning-Alexandre de Kahlden, chef du régiment d'infanterie no 3, qui, mortellement blessé à la bataille de Zorndorf, mourut à Berlin le 22 octobre 1758.