<215>d'autant moins à craindre, qu'à peine les Autrichiens eurent-ils pris cette position, qu'ils se retranchèrent jusqu'aux dents.
Les deux points qui méritaient une attention sérieuse, étaient la conservation de Bautzen, où se trouvaient les vivres et la boulangerie de l'armée, et le moulin de Malschwitz, qui est sur une hauteur, dont il ne fallait pas souffrir que l'ennemi s'emparât. Le Roi garantit la ville de Bautzen contre les entreprises des Autrichiens par un corps intermédiaire, qu'il plaça entre cette ville et sa droite; et pour le moulin, à l'extrémité de la gauche, il n'y mit que des vedettes de hussards, pour que l'ennemi ne s'aperçût point de l'importance dont nous était ce poste. La raison d'en user ainsi était que le moulin se trouvait à la distance d'un quart de mille de la gauche, de sorte qu'en gardant la position de l'armée, on ne pouvait pas le soutenir à cause de son éloignement; et l'importance de ce moulin consistait en ce que, dans la marche que le Roi méditait de faire, il ne pouvait pas gagner Görlitz avant le maréchal Daun, si ses colonnes ne passaient au pied de ce moulin; de sorte qu'au cas que l'ennemi y eût placé des troupes, il fallait passer la Sprée derrière le camp et la repasser plus bas, ce qui faisait un circuit de deux milles de détour pour les troupes.
Le maréchal Daun, de son côté, supposait que le Roi, lorsqu'il apprendrait le siége de Neisse, n'aurait aucun autre expédient pour se rendre en Silésie que celui de l'attaquer, et ce fut la raison qui lui fit prendre cette position de Cannewitz et de Wurschen, et qui lui donna l'idée de se retrancher. Cela parut même par une lettre qu'il écrivit à M. de Harsch, dans laquelle il dit : « Faites votre siége tranquillement; je tiens le Roi; il est coupé de la Silésie, et s'il m'attaque, je vous en rendrai bon compte. » Il en arriva tout différemment que le maréchal se l'imaginait. Le prince Henri partit, avec son détachement, de Gamig; il passa par Marienstern, et arriva le 21 à l'armée du Roi, sans rencontrer d'ennemis sur sa route.
Tous les préparatifs de la marche ne purent être achevés que le 24, et le même soir l'armée se mit en marche. La garnison de Bautzen servit d'escorte aux vivres de l'armée; ce corps prit les devants dès la nuit précédente, et passa par Cummerau, Neudorf, Troben et Culmen. L'armée marcha sur deux colonnes.