<30>mer. On demandait au Roi d'entrer dans des mesures qui pussent assurer et affermir la tranquillité publique; cette proposition tirait à grande conséquence : dans la situation où se trouvait alors la Prusse, le parti pour lequel le Roi allait se décider, influait sur la paix et sur la guerre. En renouvelant le traité avec la France, il fallait attaquer l'électorat de Hanovre; ce qui était s'attirer sur les bras les forces des Anglais, des Autrichiens et des Russes; en concluant une alliance avec l'Angleterre, il était probable que les Français ne porteraient point la guerre dans l'Empire, et que la Prusse se trouverait liée avec la Grande-Bretagne et avec la Russie; ce qui semblait obliger l'Impératrice-Reine à demeurer en paix, quelque envie qu'elle eût de reconquérir la Silésie, et quelques préparatifs qu'elle eût faits pour agir aussitôt que l'occasion le lui permettrait.
Avant que de se déterminer, le Roi jugea néanmoins à propos de s'assurer de la façon de penser de la cour de Russie; mais comme il avait dans la personne du chancelier Bestusheff un ennemi déclaré, il ne pouvait pas s'en éclaircir directement à Pétersbourg, où toute intelligence entre les deux cours était rompue; il eut recours au sieur de Klinggräff, son ministre à la cour impériale, et à mylord Holdernesse même, pour savoir en quels termes la Russie en était avec l'Angleterre, et surtout si la cour de Vienne ou celle de Londres avait plus d'influence à Pétersbourg. Le sieur de Klinggräff répondit que les Russes étant une nation mercenaire et intéressée, il n'y avait aucun doute qu'ils ne fussent plus attachés à ceux qui pouvaient les acheter, qu'à ceux qui n'avaient rien à leur donner; que l'Impératrice-Reine manquait souvent de ressources pour ses propres dépenses; qu'ainsi les Russes s'en tiendraient aux Anglais, que des richesses immenses mettaient en état de leur payer de gros subsides. La réponse de mylord Holdernesse portait que, l'intelligence entre l'Angleterre et la Russie étant parfaite, le roi George comptait fermement sur l'amitié de l'impératrice Élisabeth. Les informations que le Roi tirait de son ministre à la Haye, se trouvèrent cadrer si bien avec ce qu'on lui avait écrit de Vienne et de Londres, qu'il crut que tant de personnes pouvaient difficilement se tromper toutes sur le même sujet : leurs conjectures, étant les